L’acte III, scène 2, est un moment clé de la pièce. Ruy Blas, un roturier secrètement amoureux de la reine et manipulé par Don Salluste, s’affirme dans un monologue puissant. Cette scène est une dénonciation de la décadence de la noblesse et une exaltation du peuple.
Les personnages principaux de la scène
- Ruy Blas : serviteur déguisé en noble, devenu Premier ministre, il dénonce l’injustice et révèle son indignation face à la corruption.
- Les ministres : figures de la noblesse corrompue, indifférents au sort du peuple, ils se partagent les richesses de l’Espagne.
Analyse de la scène 2 de l’acte III
Un monologue spectaculaire
La scène s’ouvre sur une réplique cinglante :
« Bon appétit, messieurs ! »
Cette exclamation ironique capte l’attention et interrompt le banquet des ministres. Ruy Blas se présente en justicier, prêt à rétablir la vérité.
- Les didascalies renforcent la tension : « Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. »
- Le ton est solennel et accusateur, avec une construction rythmée et incisive.
Un réquisitoire contre la noblesse
Ruy Blas dénonce l’égoïsme des ministres et leur corruption :
« Conseillers vertueux ! Voilà votre façon / De servir, serviteurs qui pillez la maison ! »
- Ironie mordante : les ministres sont présentés comme des « serviteurs » mais ils volent l’Espagne.
- Utilisation du « vous » accusateur : « Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure, / L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure ! »
- Personnification de l’Espagne : elle est une victime pleurant son déclin.
Une Espagne en ruine
Hugo peint un tableau dramatique du pays en déliquescence. Ruy Blas énumère les territoires perdus :
« Nous avons, depuis Philippe Quatre, / Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre. »
- Anaphore de « L’Espagne » : insiste sur l’ampleur de la catastrophe.
- Champ lexical de la décadence : « tombe », « ruine », « égout », « corruption ».
- Figure du déclin impérial : Charles Quint, jadis glorieux, est supplié de revenir (« Au secours, Charles-Quint ! »).
Une critique sociale violente
Ruy Blas exalte la souffrance du peuple et met en opposition les ministres corrompus et les citoyens laborieux :
« Le peuple misérable, et qu’on pressure encor, / A sué quatre cent trente millions d’or ! »
- Hyperboles et chiffres marquants : illustrent l’injustice économique.
- Opposition peuple/noblesse : les premiers souffrent, les seconds s’enrichissent.
- Métaphore du pillage : « Les grands vivent sur un lion mourant dévoré par la vermine. »
Un discours oratoire puissant
Ruy Blas structure son plaidoyer avec des procédés rhétoriques forts :
- Exclamations et apostrophes : « Soyez flétris ! », « Messieurs, en vingt ans, songez-y ! »
- Anaphores : « L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur, Tout s’en va. »
- Question rhétorique : « Quel remède à cela ? », renforçant l’urgence de la situation.
Pourquoi cette scène est-elle essentielle ?
Cette tirade de Ruy Blas est l’un des grands monologues du théâtre romantique.
- Un moment de bascule : Ruy Blas cesse d’être un simple instrument de Don Salluste, il devient un homme d’idéal.
- Un plaidoyer pour la justice : il incarne la révolte sociale et le cri du peuple opprimé.
- Une scène théâtrale forte : Hugo joue sur le spectaculaire avec un effet de surprise et une montée dramatique.
Cette scène illustre pleinement la puissance du théâtre de Victor Hugo : un théâtre engagé, où la voix des déshérités trouve une place et une force inoubliable.