Le parquet de Paris ouvre une enquête sur l’algorithme de TikTok

Le parquet de Paris a lancé une enquête préliminaire sur l’algorithme de TikTok, soupçonné d’exposer les mineurs à des contenus dangereux et de pousser les plus vulnérables vers le suicide. Cette décision fait suite au signalement du député socialiste Arthur Delaporte, président de la commission d’enquête parlementaire sur le réseau social chinois.

Un signalement qui relance le débat sur la protection des mineurs

Le 4 novembre 2025, la procureure de Paris, Laure Beccuau, a annoncé l’ouverture d’une enquête visant à déterminer si le fonctionnement de l’algorithme de TikTok enfreint la loi française. Selon les premiers éléments, la plateforme pourrait avoir favorisé la diffusion de contenus incitant à l’automutilation ou au suicide auprès d’utilisateurs mineurs.

Le signalement à l’origine de cette enquête provient du député Arthur Delaporte (PS), qui avait déjà alerté les pouvoirs publics sur la « facilité d’accès » des jeunes à des vidéos dangereuses via le système de recommandations du réseau social. Pour lui, TikTok représente un « piège algorithmique » dans lequel les plus fragiles s’enferment sans s’en rendre compte.

« L’algorithme de TikTok peut enfermer les mineurs dans une spirale de contenus néfastes qui amplifient leur mal-être », avait déclaré Arthur Delaporte en septembre, à l’issue de la commission d’enquête parlementaire.

Une enquête confiée à la brigade de lutte contre la cybercriminalité

L’affaire a été confiée à la Brigade de lutte contre la cybercriminalité (BL2C) de la préfecture de police de Paris. Les enquêteurs se penchent sur plusieurs infractions potentielles, dont :

  • la propagande en faveur de produits ou méthodes de suicide (passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende) ;
  • la fourniture d’une plateforme en ligne facilitant des activités illicites en bande organisée (jusqu’à dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende) ;
  • l’altération du fonctionnement d’un système de traitement de données (pouvant entraîner une peine de dix ans de prison et 300 000 euros d’amende).

Concrètement, l’enquête cherche à savoir si TikTok a respecté son obligation de signalement des contenus illégaux et si son algorithme correspond bien à la manière dont la plateforme le présente à ses utilisateurs. Les autorités veulent également comprendre comment les contenus sensibles se retrouvent massivement proposés à certains jeunes.

Des contenus jugés toxiques pour les adolescents

Depuis plusieurs mois, de nombreuses voix s’élèvent contre les effets du “For You Page” de TikTok, un fil personnalisé qui adapte les vidéos selon le comportement de chaque utilisateur. Ce système, fondé sur une analyse de l’attention, aurait tendance à renforcer les émotions négatives, surtout chez les jeunes déjà fragilisés.

Les parlementaires parlent d’un « océan de contenus néfastes » mêlant vidéos d’automutilation, d’apologie du suicide ou encore d’expositions répétées à la violence. Selon eux, ces publications, amplifiées par un algorithme particulièrement efficace, créent une véritable bulle de mal-être numérique.

Pour tenter d’y remédier, la commission d’enquête présidée par Arthur Delaporte a proposé en septembre d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et de mettre en place un « couvre-feu numérique » pour les 15-18 ans. L’objectif serait d’empêcher les jeunes de passer des heures sur ces plateformes sans encadrement.

La réponse de TikTok

De son côté, la société TikTok a rejeté les accusations, affirmant qu’elle met tout en œuvre pour protéger les jeunes utilisateurs. Dans un communiqué adressé à l’AFP, l’entreprise a déclaré « catégoriquement rejeter la présentation trompeuse » faite par la commission, estimant qu’elle cherche à « faire de TikTok un bouc émissaire » alors que le problème dépasse largement sa plateforme.

TikTok rappelle avoir déjà mis en place plusieurs mesures, comme le mode “Jeune public”, la limitation du temps d’écran ou encore la possibilité pour les parents de lier leur compte à celui de leur enfant. Mais pour les parlementaires, ces dispositifs restent insuffisants face à la puissance de l’algorithme et à la viralité des contenus problématiques.

Vers un encadrement plus strict des réseaux sociaux ?

Cette enquête du parquet de Paris pourrait marquer un tournant dans la régulation des plateformes numériques en France. En parallèle, plusieurs pays européens renforcent déjà leurs contrôles sur TikTok, notamment en matière de protection des données et de bien-être des jeunes.

Alors que le réseau social compte plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde, les autorités françaises veulent désormais comprendre si son modèle algorithmique repose sur un système capable de mettre en danger ses utilisateurs les plus jeunes. L’enjeu dépasse la seule question de TikTok : il interroge la responsabilité des géants du numérique face à la santé mentale des nouvelles générations.

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