Une actrice virtuelle au cœur de l’attention
Cheveux lisses, sourire parfait et profil calibré pour la caméra : Tilly Norwood semble prête pour le grand écran. Pourtant, elle n’existe pas. Elle est née dans les serveurs du studio Xicoia, dirigé par la Néerlandaise Eline Van der Velden, qui la présente comme « la prochaine Scarlett Johansson ou Natalie Portman ».
Lancée officiellement lors du festival de Zurich, Tilly a immédiatement attiré l’attention. Son compte Instagram compte déjà des dizaines de milliers d’abonnés, et plusieurs agences artistiques se disent intéressées pour la représenter. Un scénario qui inquiète autant qu’il intrigue.
Un climat tendu depuis les grèves de 2023
L’affaire ne tombe pas dans le vide. En 2023, Hollywood avait connu une grève historique, largement motivée par la crainte du recours massif à l’IA dans l’écriture, le doublage ou encore la production d’images. Pour de nombreux professionnels, Tilly Norwood est le symbole concret de cette menace.
Les réactions n’ont pas tardé. Melissa Barrera, actrice révélée par la saga Scream, a dénoncé le projet sur Instagram :
« J’espère que tous les acteurs représentés par l’agent qui fait cela le laisseront tomber. Quelle horreur. »
D’autres voix se sont jointes au chœur des critiques. L’actrice Mara Wilson, connue pour Matilda et Madame Doubtfire, a accusé les créateurs de Tilly d’avoir utilisé sans consentement les traits de nombreuses femmes :
« Honte à ces gens. Ils ont volé les visages de centaines de jeunes femmes pour créer cette actrice IA. Ce ne sont pas des créateurs. Ce sont des voleurs d’identités. »
Humour et colère sur les réseaux
Si certains crient au scandale, d’autres préfèrent l’ironie. L’acteur Lukas Gage (The White Lotus) a moqué sa collègue artificielle en la qualifiant de « cauchemar pour travailler », car « incapable de se positionner sur le plateau ». Derrière l’humour, la peur d’un avenir où les comédiens seraient remplacés reste palpable.
Le syndicat SAG-AFTRA, qui représente des milliers d’acteurs américains, est également monté au créneau. Dans un communiqué, il a rappelé que « Tilly Norwood n’est pas une actrice, mais un produit informatique » et a dénoncé une menace pour l’emploi et pour la valeur artistique du métier.
Une créatrice qui se défend
Face à la tempête, Eline Van der Velden tente d’apaiser les tensions. Sur ses réseaux sociaux, elle affirme que Tilly ne remplacera pas les comédiens humains :
« Tout comme l’animation, les marionnettes ou les effets spéciaux ont ouvert de nouvelles possibilités, l’IA offre une façon d’imaginer et de construire des histoires. Tilly est avant tout une œuvre créative. »
Selon elle, les acteurs virtuels devraient être considérés comme un genre artistique à part entière, et non comme des concurrents directs des comédiens traditionnels. Mais cette justification peine à convaincre un milieu encore marqué par les débats de ces dernières années.
L’IA, une menace ou un outil ?
Le cas Tilly Norwood ne se limite pas au cinéma. Ces derniers mois, on a vu apparaître un groupe musical entièrement virtuel sur Spotify ou encore une mannequin IA dans Vogue. À chaque fois, la polémique a été la même : l’IA enrichit-elle la création ou dévalorise-t-elle le travail humain ?
Pour les défenseurs de ces innovations, l’intelligence artificielle est un outil de plus, comparable aux effets spéciaux. Pour ses opposants, elle franchit une ligne rouge en prétendant se substituer à l’expérience humaine et à la sensibilité d’un acteur en chair et en os.