Paul et Élisabeth, deux adolescents, vivent dans un monde qu’ils ont façonné à leur image. Leur relation fusionnelle les enferme dans une bulle où règne un jeu cruel et destructeur. Tout commence lorsqu’une blessure accidentelle reçue par Paul, causée par son camarade Dargelos, le contraint à rester alité. Ce confinement renforce encore plus l’univers clos qu’ils partagent.
Après la mort de leur mère, Paul et Élisabeth deviennent totalement autonomes, s’affranchissant des normes extérieures. Leur chambre devient un théâtre où ils orchestrent des drames, cultivant une dépendance mutuelle qui frôle l’inceste psychologique. L’arrivée d’Agathe et de Gérard bouleverse cet équilibre fragile, menant le récit vers un dénouement tragique.
Des personnages marqués par la fatalité
Paul : l’âme sensible et tourmentée
Blessé et affaibli dès le début du roman, Paul est dominé par sa sœur. Il nourrit un amour sublimé pour Dargelos, figure masculine idéalisée, et voit en Agathe une échappatoire impossible. Son destin est scellé par un poison fatal, ultime symbole de son incapacité à s’émanciper.
Élisabeth : manipulatrice et possessive
Forte et déterminée, Élisabeth impose sa loi, empêchant son frère de sortir de leur monde. Elle orchestre le malheur d’Agathe et Gérard, tissant une toile dont Paul sera la principale victime. Sa cruauté est teintée d’un amour possessif, créant une relation toxique où elle seule détient le pouvoir.
Dargelos : l’idole inaccessible
Personnage énigmatique, Dargelos représente l’objet du désir et de la fascination. C’est lui qui, involontairement, enferme Paul dans son destin tragique. Sa réapparition sous forme de messager de la mort renforce son rôle quasi mythologique.
Agathe et Gérard : les intrus
Si Agathe et Gérard semblent apporter une ouverture sur le monde extérieur, ils deviennent en réalité les pions du jeu cruel d’Élisabeth. Agathe, qui ressemble à Dargelos, éveille en Paul un amour ambivalent, tandis que Gérard, amoureux d’Élisabeth, est manipulé sans pitié.
L’adaptation cinématographique de 1950
Jean Cocteau et Jean-Pierre Melville : une collaboration marquante
En 1950, Les Enfants terribles est porté à l’écran sous la direction de Jean-Pierre Melville, avec un scénario écrit par Jean Cocteau lui-même. Ce dernier veille à ce que l’adaptation reste fidèle à l’esprit du roman.
Une mise en scène fidèle au huis clos du roman
Le film reproduit avec soin l’univers clos et oppressant des personnages. Les scènes se déroulent majoritairement dans la chambre, accentuant l’atmosphère de rêve éveillé et de tragédie inévitable. La photographie en noir et blanc renforce la tension dramatique, tout comme la voix-off de Cocteau, qui insuffle au film une dimension littéraire.
Une fidélité au texte original
Le film suit avec précision le déroulement du roman, conservant la puissance des dialogues et la tension psychologique entre Paul et Élisabeth. Les acteurs incarnent avec brio la complexité des personnages, notamment Nicole Stéphane (Élisabeth) et Édouard Dermit (Paul), dont la relation obsessionnelle est retranscrite avec une intensité troublante.
Les thématiques majeures du récit
Le huis clos destructeur
L’univers de Paul et Élisabeth est un monde fermé, où toute intrusion extérieure est perçue comme une menace. Ce huis clos renforce leur relation fusionnelle, mais en fait aussi un espace de manipulation et de domination.
L’adolescence et la transgression
Cocteau explore l’adolescence sous un jour sombre et intense. Paul et Élisabeth refusent d’entrer dans le monde adulte, préférant s’enfermer dans un univers où les règles sont abolies et la morale inexistante.
L’amour et la destruction
L’amour, dans Les Enfants terribles, est toujours teinté de possession et de tragédie. L’impossibilité pour Paul d’aimer librement entraîne son anéantissement, tandis qu’Élisabeth, refusant toute séparation, choisit la mort comme ultime contrôle.
Un roman et un film intemporels
Les Enfants terribles reste une œuvre incontournable de Jean Cocteau, une tragédie adolescente où l’amour et la mort se confondent. Son adaptation cinématographique de Jean-Pierre Melville renforce encore plus son impact visuel et émotionnel, offrant un chef-d’œuvre qui continue de fasciner des générations de spectateurs.