Avant de se consacrer à l’écriture, elle fait des études en histoire, anglais, sociologie et droit en Europe. Elle devient avocate, mais en raison des lois anti-juives de 1940, elle est radiée du barreau et se tourne alors vers la littérature.
Elle est une figure du nouveau roman, aux côtés d’Alain Robbe-Grillet et Michel Butor. Son essai L’Ère du soupçon (1956) critique les conventions romanesques et pose les bases d’une écriture libérée des codes traditionnels.
Enfance : présentation de l’œuvre
Enfance, publié en 1983, est une autobiographie fragmentaire qui couvre les onze premières années de la vie de Nathalie Sarraute. Le texte adopte une forme originale : un dialogue entre l’auteure adulte et son double enfant, reflétant une interrogation sur la fidélité des souvenirs et l’objectivité du récit.
L’œuvre explore les mouvements intérieurs et la manière dont les mots influencent la perception de soi et du monde.
Le nouveau roman et Enfance
Le nouveau roman est un mouvement littéraire des années 1950 qui remet en question les structures classiques du roman. Il rejette la notion de héros, l’omniscience de l’auteur et la vraisemblance traditionnelle.
Dans Enfance, Nathalie Sarraute applique ces principes :
- Refus d’une narration linéaire.
- Absence d’intrigue construite.
- Exploration des tropismes, ces mouvements intérieurs imperceptibles qui déterminent les réactions humaines.
Les personnages dans Enfance
- Nathalie / Natalya : personnage principal, représentant l’auteure adulte et son moi enfant.
- Ilvanov : le père de Nathalie.
- Pauline : la mère de Nathalie.
- Véra : la belle-mère de Nathalie.
- Kolia : le beau-père de Nathalie.
- Hélène : la demi-sœur de Nathalie.
Résumé de l’œuvre
L’installation en France
Après la séparation de ses parents, Nathalie quitte la Russie pour suivre sa mère à Paris. Peu après, celle-ci retourne en Russie et la confie à son père. L’enfant vit douloureusement cet abandon, mais tait sa souffrance par peur de rendre les mots réels.
Une relation compliquée avec sa mère
Pauline est une figure distante, qui n’exprime que peu d’affection. Nathalie tente de conserver une image idéalisée d’elle, mais perçoit progressivement son indifférence. Elle vit un véritable traumatisme lorsque sa mère lui ment pour la faire opérer des amygdales. Cet épisode symbolise la déception et la désillusion.
Une complicité avec son père
Contrairement à sa mère, Ilvanov entretient une relation complice avec sa fille, basée sur les silences et les non-dits. Leur amour passe par les gestes et la compréhension tacite. Cependant, la recomposition familiale avec Véra et Hélène bouleverse l’équilibre et pousse Nathalie à redéfinir sa place.
Le pouvoir des mots
Dès son enfance, Nathalie Sarraute prend conscience du poids des mots. Elle ressent les phrases de manière presque physique et leur attribue une influence réelle sur la perception des événements.
Lorsqu’elle tente d’écrire son premier roman, son oncle lui rétorque qu’il faut d’abord apprendre l’orthographe. Cet épisode illustre la difficulté de maîtriser le langage et renforce son interrogation sur le rapport entre les mots et la vérité.
La fin de l’enfance
Le récit s’achève avec l’entrée en sixième de Nathalie, qui marque la fin symbolique de son enfance. L’œuvre ne suit pas un déroulement classique mais présente une mosaïque de souvenirs, analysés à travers un dialogue entre son moi enfant et adulte.
Analyse de l’œuvre
Un travail de mémoire
Nathalie Sarraute cherche à retranscrire ses souvenirs avec la plus grande fidélité. Elle refuse l’enjolivement du passé et s’efforce de contrôler la déformation du temps sur ses récits. Son double critique lui permet de remettre en question ses perceptions et d’éviter toute illusion autobiographique.
Une autobiographie fragmentaire
Contrairement aux récits autobiographiques traditionnels, Enfance ne suit pas un fil narratif linéaire. L’auteure présente des scènes isolées, marquées par la subjectivité et la complexité de la mémoire.
La communication et le silence
L’œuvre met en avant l’importance des non-dits dans les relations humaines. Nathalie et son père communiquent par gestes et silences, tandis que les paroles de sa mère sont souvent vides de signification. L’auteure questionne ainsi le pouvoir du langage et ses limites.
Une écriture introspective
Le texte repose sur un dialogue interne, entre la voix du présent et celle du passé. Ce dédoublement narratif permet à Sarraute d’explorer la subjectivité de la mémoire et de remettre en question la notion de vérité autobiographique.
Conclusion
Enfance est une autobiographie singulière, qui dépasse le simple récit de vie pour interroger la nature du souvenir et du langage. Nathalie Sarraute y expose son rapport aux mots, aux silences et à l’identité, dans une écriture où chaque phrase semble pesée avec précision.