L’idée générale est simple : plus de rotation, moins d’occupation à vie. Pour cela, plusieurs mesures chocs sont proposées, notamment des seuils de ressources revus à la baisse, des contrôles renforcés, et un surloyer imposé dès le moindre dépassement de revenus.
Des locataires bientôt poussés vers la sortie ?
Aujourd’hui, un locataire peut rester dans un HLM même si ses revenus dépassent les plafonds, tant que cela reste dans la limite de 150 %. La réforme souhaite abaisser ce seuil à 120 %. Et si cette situation dure deux années de suite, le bail pourrait tout simplement être résilié.
Mais ce n’est pas tout. Si un bailleur découvre qu’un locataire possède un bien immobilier adapté à ses besoins, il pourrait aussi lui demander de quitter son logement HLM. Un préavis de six mois serait alors appliqué.
Des exceptions sont prévues, notamment pour les personnes âgées de plus de 65 ans ou en situation de handicap. Mais ces cas restent minoritaires, et beaucoup craignent que cette réforme pousse vers la sortie des familles stables dont les revenus ont légèrement évolué.
Un surloyer dès le premier euro
Autre changement proposé : le supplément de loyer de solidarité (SLS) pourrait s’appliquer dès que les revenus dépassent le plafond, même légèrement. Actuellement, il est déclenché au-delà de 20 % de dépassement. Avec la réforme, fini la tolérance.
En plus, les exemptions de surloyer prévues dans certains quartiers prioritaires ou zones rurales seraient supprimées. L’idée est de pousser les locataires les plus aisés à quitter les HLM, pour permettre à ceux qui attendent depuis longtemps d’y entrer.
Un texte qui divise fortement
La proposition de loi a été largement rejetée en commission. Des députés de gauche, du Rassemblement national et du groupe LIOT ont supprimé ses principaux articles, vidant le texte de sa substance. Même son rapporteur, Stéphane Vojetta, a fini par demander son rejet.
Pour ses défenseurs, cette loi incarne une forme de justice sociale. Elle permettrait selon eux de libérer jusqu’à 30 000 logements. « On parle de locataires qui peuvent se loger dans le privé, mais restent dans le social », expliquait Vojetta.
À l’inverse, de nombreux élus dénoncent une réforme qui stigmatise les habitants des quartiers populaires. Le député LFI Thomas Portes rappelle que « le droit au logement social à vie n’existe pas », mais alerte sur le risque de pousser dehors des familles modestes pour « faire de la place aux plus pauvres ».
Derrière le débat technique, la question de fond reste la même : à quoi doit servir le logement social aujourd’hui ? Est-ce une solution d’urgence, un tremplin vers le privé, ou un outil de stabilité pour les classes moyennes et populaires ?
Les défenseurs du texte veulent en finir avec l’idée du HLM « à vie ». Les opposants dénoncent une vision punitive et technocratique, qui ignore les réalités du terrain. Plusieurs associations de défense des locataires ont pris position contre la réforme, parlant d’instrumentalisation politique.
Vers un examen en séance malgré tout
Même si le texte a été vidé en commission, il sera tout de même débattu dans l’hémicycle. Le gouvernement ne semble pas avoir tranché clairement. La ministre de la Ville, Juliette Méadel, a salué le rejet du texte, appelant à davantage de mixité sociale. Ce à quoi Kasbarian a répondu sur X en l’accusant de « défendre les ménages aisés dans les HLM ».
Avec près de 3 millions de personnes en attente d’un logement social, la tension monte dans tout le pays. Cette réforme, même inaboutie, montre bien que la question du logement est devenue centrale, sensible, et hautement politique.
Lire aussi : comment travailler dans le social ?