Mort en direct de Jean Pormanove : l’autopsie privilégie une cause médicale ou toxicologique

Le décès de Jean Pormanove, streamer français de 46 ans, survenu en plein live suivi par des milliers d’internautes, a provoqué un véritable choc. Selon les premières conclusions de l’autopsie, les causes de sa mort seraient d’origine médicale ou toxicologique, et non liées à une intervention violente. Cette affaire met en lumière les dérives du streaming extrême et les failles de modération des plateformes.
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Un décès survenu sous les yeux d’Internet

Raphaël Graven, connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove ou « JP », participait à un marathon de streaming de plus de 12 jours diffusé sur Kick, une plateforme australienne en plein essor. Le concept : des défis, des humiliations et des violences mises en scène pour divertir et choquer l’audience.

Le lundi 18 août 2025, il est retrouvé inanimé dans son lit par l’un de ses partenaires, Owen Cenazandotti alias Narutovie. La scène, diffusée en direct, a été partagée en boucle sur les réseaux sociaux, choquant les internautes et relançant le débat sur les limites du spectacle numérique.

Les résultats de l’autopsie

L’autopsie réalisée à l’institut médico-légal de Nice a livré ses premières conclusions. Contrairement à ce que pouvaient laisser croire les nombreuses vidéos de violences circulant en ligne, la mort de Jean Pormanove ne serait pas liée à un traumatisme externe.

« À la lumière de ces éléments, les médecins experts considèrent que le décès n’a pas une origine traumatique et n’est pas en lien avec l’intervention d’un tiers. Les causes probables apparaissent d’origine médicale et/ou toxicologique », a déclaré Damien Martinelli, procureur de la République de Nice.

Les légistes ont tout de même noté la présence d’ecchymoses et lésions cicatrisées, principalement sur les jambes, mais aucune blessure interne ou brûlure susceptible d’expliquer la mort. Des analyses toxicologiques et anatomopathologiques sont en cours pour préciser les causes exactes.

Un homme fragilisé par des problèmes de santé

Le parquet de Nice a également rappelé que Jean Pormanove souffrait d’antécédents médicaux. En 2024, une anesthésie en Turquie avait révélé des troubles cardiaques. De plus, il suivait un traitement pour la glande thyroïde. Son mode de vie n’arrangeait rien : il fumait jusqu’à trois paquets par jour et se nourrissait principalement de sucreries.

Des proches décrivent un homme vulnérable, parfois crédule. Un ancien camarade militaire le jugeait manipulé par ses partenaires de streaming. Cette fragilité interroge sur les conditions dans lesquelles il a accepté de participer à un live aussi éprouvant.

Un collectif controversé : “Le Lokal”

Jean Pormanove n’était pas seul. Il faisait partie d’un groupe de streamers niçois surnommé Le Lokal. Ce collectif était déjà connu de la justice. En décembre 2024, Mediapart avait révélé des vidéos où JP et un autre homme, surnommé Coudoux et en situation de handicap, subissaient insultes et violences de la part de Narutovie et Safine Hamadi, alias Safine.

À l’époque, une enquête avait été ouverte pour violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables. Les deux influenceurs avaient été placés en garde à vue mais relâchés, faute de plaintes des victimes, qui affirmaient participer volontairement à des « mises en scène pour faire le buzz ».

Un spectacle basé sur la souffrance

Le format de ces lives reposait sur l’humiliation. On y voyait JP recevoir des coups, des insultes, ou même servir de cible à des tirs de paintball. Ces scènes étaient encouragées par des dons d’internautes, chaque défi rapportant de l’argent au collectif.

Pour certains spectateurs, c’était du divertissement « trash ». Pour d’autres, c’était une exploitation de personnes vulnérables. La mort de JP met brutalement en lumière les risques d’une telle exposition et pose la question de la responsabilité des plateformes.

Kick, la plateforme mise en cause

Kick, concurrent direct de Twitch, a rapidement réagi après le décès. L’entreprise a annoncé bannir les co-streamers impliqués et promet une révision complète de ses règles de modération. Mais pour beaucoup, cette réaction arrive trop tard.

L’Arcom, le régulateur français du numérique, a convoqué la plateforme pour un échange urgent. La Ligue des droits de l’Homme avait déjà signalé des contenus problématiques en février 2025. Aucun suivi n’avait été donné.

« Cette affaire est une horreur absolue », a déclaré Clara Chappaz, ministre déléguée au Numérique. « Elle doit servir d’électrochoc pour imposer une régulation stricte des plateformes de streaming. »

Des milliers d’heures de vidéos à analyser

Les enquêteurs de la police judiciaire de Nice, épaulés par l’office anticybercriminalité, ont saisi le matériel du collectif. Leur mission : analyser des milliers d’heures de contenu diffusées depuis des mois, pour déterminer si JP et Coudoux consentaient réellement aux violences, ou s’ils étaient manipulés et exploités.

La tâche est immense. Ces streams étaient suivis par des dizaines de milliers de personnes, et certains extraits continuent de circuler sur les réseaux malgré leur caractère violent.

Un miroir sombre du web

L’affaire révèle une facette inquiétante du streaming extrême. Pour attirer des audiences massives, certains influenceurs franchissent la limite du supportable, exploitant la souffrance réelle ou supposée de leurs partenaires. Internet devient alors un amplificateur de violence, banalisée par le rire et les dons.

Pour de nombreux jeunes spectateurs, habitués aux contenus de plus en plus choquants, la mort de JP agit comme un rappel brutal : derrière l’écran, il y a des vies, des corps, des fragilités. Et parfois, elles ne survivent pas à la pression du spectacle.

Quelle suite pour l’enquête ?

La justice française poursuit deux axes : déterminer la cause exacte du décès grâce aux analyses médicales, et comprendre le rôle des autres participants du live. Même si l’autopsie écarte une intervention directe, l’enquête doit éclairer la responsabilité indirecte de ceux qui l’ont poussé à s’exposer à de telles conditions.

La dimension économique sera également étudiée. Les flux financiers issus des dons des spectateurs pourraient être qualifiés de profit sur la souffrance d’autrui, une infraction encore floue dans le droit français mais de plus en plus débattue.

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