Des livreurs sous pression économique
Les 71 000 livreurs qui sillonnent les rues de France pour Uber Eats, Stuart ou Deliveroo vivent une situation de plus en plus difficile. Selon l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), le revenu horaire brut des livreurs a chuté drastiquement entre 2021 et 2024, surtout lorsqu’on tient compte de l’inflation.
- Uber Eats : ↓ 34,2 %
- Stuart : ↓ 26,6 %
- Deliveroo : ↓ 22,7 %
Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’allongement des temps d’attente entre deux courses, qui atteint +35,3 % chez Uber Eats et +16,9 % chez Deliveroo. Une attente non rémunérée, qui pèse lourd sur les revenus réels.
Des trajets de plus en plus longs
Autre conséquence directe de cette baisse de revenus : les livreurs doivent étendre leur périmètre d’action. Le vélo, souvent insuffisant, est délaissé au profit du scooter ou de la voiture, avec tous les coûts supplémentaires que cela implique (essence, assurance, entretien).
« On est obligé d’aller de plus en plus loin pour espérer faire le même chiffre qu’avant. Les petits trajets en centre-ville ne suffisent plus », explique un livreur toulousain.
L’accord de 2023, un échec selon les syndicats
Signé en 2023, l’accord prévoyait un revenu minimal horaire brut de 11,75 euros. Mais selon l’Union-Indépendants, ce texte est devenu caduc dans les faits. Avec l’inflation et la dégradation des conditions de travail, ce minimum est rarement atteint sur une journée complète.
Les syndicats demandent donc aujourd’hui une rémunération horokilométrique obligatoire, à savoir un calcul basé sur le temps et la distance réels parcourus, ainsi qu’une régulation stricte du nombre de livreurs actifs pour éviter une saturation du marché.
Des chiffres contestés par les plateformes
Du côté d’Uber Eats, on répond en affirmant que le revenu horaire brut moyen en 2024 était de 20,50 euros. Un chiffre largement remis en question par les livreurs eux-mêmes, qui y voient une moyenne gonflée par les périodes de forte affluence ou certains profils particuliers.
Deliveroo, de son côté, déclare que le revenu par livraison atteint 5,70 euros, et affirme que le revenu horaire en course est de 26,31 euros. Des chiffres qui ne tiennent pas compte des temps morts, ni des coûts engendrés par l’activité.
Une mobilisation grandissante
Le 18 mars 2025, plusieurs centaines de livreurs ont manifesté dans plusieurs grandes villes pour dénoncer la baisse de leurs revenus. Ils réclament plus de transparence dans le calcul de leur rémunération, ainsi que de véritables droits sociaux.
« En 2021, je gagnais 916 euros pour 140 courses. Aujourd’hui, c’est 880 euros pour 164 courses. Ce n’est plus viable », raconte Amandine, livreuse en Essonne.
Cette mobilisation s’inscrit dans une prise de conscience collective du modèle économique des plateformes : flexibilité pour les entreprises, précarité pour les livreurs.
Et les chauffeurs VTC ?
Les chauffeurs Uber ou Bolt sont eux aussi touchés. Selon Union-Indépendants, leurs revenus ont chuté de 12 % chez Bolt et de 1 % chez Uber entre 2022 et 2024. Pour maintenir leur niveau de vie, les chauffeurs doivent rester connectés deux fois plus longtemps.
L’accord prévoit un minimum de 9 euros par course et 30 euros de l’heure, mais, sans prise en compte des temps d’attente, ces chiffres restent théoriques. Le trop grand nombre de chauffeurs disponibles a provoqué une saturation du marché, rendant les courses plus rares et moins rémunératrices.
Vers une vraie régulation ?
L’ARPE poursuit ses analyses pour encadrer les négociations sociales. Des discussions sont en cours entre syndicats et plateformes, mais les avancées restent timides.
Pour de nombreux livreurs et chauffeurs, la flexibilité vendue par les plateformes a un coût humain énorme, et l’espoir d’une meilleure régulation reste, pour l’instant, en suspens.