Nasdas gagne de l’or sur la misère des jeunes

À Perpignan, dans le quartier Saint-Jacques, Nasdas est devenu une légende vivante. Avec plus de 9 millions d’abonnés sur Snapchat, il montre sans filtre la vie de son quartier. Des ruelles délabrées, des enfants en errance, des scènes de survie brute… tout est capté pour ses stories. Ce qu’il appelle fièrement la « chienneté » est en réalité le reflet d’une misère sociale profonde.
nasdas misere perpignan

Mais cette authenticité crue n’est pas gratuite : elle attire des millions de vues, et avec elles, des revenus énormes. Entre 7 000 et 41 000 dollars par jour, selon ses propres dires. Une fortune amassée sur le dos d’une jeunesse ultra-précaire, qui rêve elle aussi de trouver sa place sous ses projecteurs.

Des jeunes fascinés prêts à tout pour le rencontrer

Ismaël, 15 ans, venu de Marseille en fraude, illustre bien le phénomène. Il n’est pas le seul : des adolescents de toute la France débarquent à Perpignan dans l’espoir de croiser Nasdas. Fugues, situations précaires, ruptures familiales… Le quartier Saint-Jacques est devenu un lieu de pèlerinage pour ces jeunes en détresse.

La police locale, dépassée, voit d’un mauvais œil cette attraction. Difficile de gérer un flot constant de mineurs livrés à eux-mêmes. De son côté, Nasdas assure ne pas encourager ces comportements, mais sa simple présence suffit à déclencher cet exode.

La téléréalité sauvage : La Chienneté TV

En 2024, Nasdas passe à la vitesse supérieure en lançant La Chienneté TV sur Twitch. Une villa, vingt participants, des clashs, des histoires d’amour et beaucoup de cris… tous les codes de la téléréalité sont réunis. Sauf que cette fois, pas de régulation, pas de filets de sécurité. Le show est brut, violent, et parfois profondément malsain.

Les participants viennent pour briller, pour obtenir une part du gâteau. Certains ont quitté l’école tôt, d’autres cumulent les galères sociales ou judiciaires. Et Nasdas, tel un producteur tout-puissant, distribue récompenses et humiliations sous l’œil de centaines de milliers de spectateurs.

Une violence banalisée

Dans cet univers, la violence n’est jamais loin. Les clashs tournent souvent mal. Une jeune fille se prend un téléphone au visage pour une jupe jugée trop courte. Un candidat est mis à l’écart à cause de son orientation sexuelle. Sexisme, homophobie, mépris social : tout y passe, sans modération.

Et tout est filmé, diffusé en live, commenté, partagé. Une télé-réalité crue, sans limites, où la souffrance devient divertissement.

Une stratégie basée sur la vulnérabilité

Derrière le spectacle, la stratégie est bien huilée. Nasdas redistribue parfois son argent : courses, logements, cadeaux en tous genres. Mais cette générosité n’est jamais désintéressée : tout est filmé, scénarisé, intégré dans son storytelling. Chaque billet distribué renforce son image de sauveur. Chaque geste généreux attire de nouveaux abonnés.

Ses protégés, eux, restent prisonniers de cette dynamique. Dépendants de sa notoriété et de son aide financière, ils n’ont guère d’autre choix que de suivre les règles du jeu.

De Saint-Jacques aux villas de luxe

Avec l’argent généré par sa notoriété, Nasdas a investi : barbershop, restaurant, Aston Martin… et bien sûr, sa villa, théâtre de ses nouvelles émissions. Pourtant, il continue d’alimenter son image de gars du quartier, proche des « vrais », malgré son train de vie luxueux.

Saint-Jacques, avec ses murs lézardés et ses ruelles étroites, reste son décor d’origine. Un décor qu’il a contribué à rendre célèbre, mais dont il s’est progressivement éloigné.

Une téléréalité moderne, sans filtre ni règles

Ce qui frappe, c’est la modernité brutale de son modèle. Snapchat et Twitch remplacent les plateaux de télévision. La célébrité est immédiate, accessible à tous, mais au prix d’une exposition totale. Le smartphone est devenu la caméra, la rue, le plateau. Et la misère, le contenu.

Là où les émissions classiques étaient encadrées par des règles strictes, ici, tout est permis. L’Arcom n’a pas encore les outils pour réguler ce type de diffusion, laissant aux plateformes une liberté totale.

Nasdas n’a fait qu’exploiter intelligemment les failles du système : il vend du rêve à ceux qui n’ont plus rien à perdre. Mais sous les liasses de billets et les éclats de rire, la détresse reste la même.

Actualités

Abonne toi à la Newsletter

Acquisition > Newsletter : Sidebar