Une réglementation dépassée par la technologie
La directive européenne sur le droit d’auteur date de 2019. À cette époque, ni ChatGPT ni d’autres modèles d’IA générative comme Midjourney ou Claude n’étaient sur le devant de la scène. Aujourd’hui, ces outils absorbent d’énormes volumes de contenus protégés par le droit d’auteur pour s’entraîner.
Le problème, c’est que cette législation n’a pas prévu de mécanismes pour encadrer ces usages massifs de données. Le rapport d’information parlementaire français met en lumière une insécurité juridique forte : ni les créateurs ne savent si leurs œuvres sont utilisées, ni les développeurs d’IA ne peuvent identifier tous les contenus soumis à des droits.
Pour les ayants droit, l’un des principaux obstacles reste l’accès à l’information. Aujourd’hui, aucun outil ne permet de savoir si un livre, une photo ou une musique a été utilisé dans l’entraînement d’un modèle d’IA.
Résultat : aucune rémunération n’est prévue pour ces usages, et les créateurs n’ont pas la possibilité de faire valoir leurs droits, sauf à lancer des procédures judiciaires longues et coûteuses.
La clause d’opt-out : une solution qui ne suffit pas
En théorie, les auteurs peuvent signaler qu’ils refusent l’utilisation de leurs œuvres par des IA en activant une clause dite d’opt-out. Mais en pratique, cette possibilité est mal connue, peu documentée, et difficilement applicable à l’échelle européenne.
De leur côté, les entreprises de la tech affirment ne pas être en mesure d’identifier les ayants droit opposés à l’utilisation de leurs contenus, ce qui les expose potentiellement à des poursuites.
En mars 2025, plusieurs syndicats d’éditeurs et d’auteurs français ont lancé des poursuites contre Meta, accusé d’avoir utilisé des milliers d’ouvrages sans autorisation pour entraîner ses modèles d’IA. Cette affaire illustre la difficulté à faire respecter les droits d’auteur à l’ère de l’automatisation massive des données.
Vers un organisme européen indépendant
Pour apporter une réponse systémique, le rapport propose la création d’un organisme européen indépendant. Sa mission serait double :
- recevoir la liste des contenus utilisés par les IA, sans porter atteinte au secret industriel
- gérer les bases d’auteurs ayant signalé une opposition à l’usage de leurs œuvres
Ce dispositif permettrait de mieux encadrer l’utilisation des œuvres et d’envisager une juste rémunération pour les créateurs.
Une urgence culturelle et économique
Pour Céline Calvez, députée et rapporteuse de la mission, l’Europe doit agir vite.
Si on ne réglemente pas maintenant, on donne nos œuvres à des géants privés sans aucune garantie.
Elle pointe aussi un risque de dévalorisation du patrimoine culturel si les artistes ne sont plus rémunérés pour leur travail.
Avec l’essor de l’IA, la création artistique et intellectuelle entre dans une nouvelle phase. Mais pour qu’elle reste viable, il est essentiel que les droits des auteurs soient respectés. Sans protection, difficile de garantir la diversité culturelle et l’accès équitable au savoir dans le futur.