Une tarification personnalisée qui ne dit pas son nom
Uber ne fixe plus ses prix au hasard. Grâce à la collecte massive de données, la plateforme serait capable d’estimer combien chaque passager est prêt à payer pour une course. L’étude menée par la Columbia Business School s’appuie sur plus de 2 millions de demandes de trajets pour montrer comment l’entreprise adapte les prix à la volée.
Ce mécanisme repose sur un principe simple : plus un utilisateur semble prêt à payer, plus l’algorithme augmente le tarif proposé. C’est ce qu’on appelle une forme de discrimination tarifaire algorithmique. Ce n’est pas illégal, mais cela soulève des questions d’équité et de transparence.
Cette approche aurait deux effets majeurs. D’un côté, certains passagers paient plus cher qu’ils ne devraient. De l’autre, les chauffeurs se retrouvent à gagner moins pour un même trajet. Uber maximise ainsi sa marge à chaque transaction.
En 2024, l’entreprise a dégagé 6,9 milliards de dollars de bénéfices, contre une perte nette deux ans plus tôt. Ce résultat financier s’explique en partie par l’optimisation algorithmique des revenus sur chaque course.
Des chauffeurs sous pression
Les chauffeurs ne sont pas épargnés par ce système. L’étude d’Oxford University, menée au Royaume-Uni, montre une baisse importante des revenus horaires moyens. Les commissions prélevées par Uber sont passées de 20-25 % à parfois 50 % par course.
De nombreux conducteurs témoignent d’une perte d’autonomie et d’un manque de clarté sur la rémunération. La tarification dynamique, introduite officiellement en 2023, serait en réalité une manière pour Uber de récupérer une plus grande part du gâteau.
Uber justifie cette pratique en expliquant que ses algorithmes servent à équilibrer l’offre et la demande en temps réel. Mais les chiffres montrent que ce système joue rarement en faveur des chauffeurs. Beaucoup doivent désormais accepter plus de courses pour gagner autant qu’avant.
Une stratégie assumée par Uber
Face aux critiques, Uber nie toute volonté de manipulation. L’entreprise affirme que ses outils algorithmiques visent uniquement à rendre la plateforme plus fiable. Selon elle, il n’existe aucune preuve de discrimination tarifaire ciblée.
Un porte-parole a précisé que les règles sont connues des chauffeurs et qu’ils peuvent les consulter à tout moment. Pour la société, ces pratiques s’inscrivent dans une logique d’optimisation du service et de la rentabilité.
Depuis la généralisation de la tarification à l’avance, Uber a progressivement transformé sa manière de fixer les prix. Le modèle initial, basé sur la distance et le temps, a laissé place à une logique basée sur les données comportementales.
Cette stratégie semble fonctionner sur le plan comptable, mais elle pourrait bien fragiliser la relation de confiance avec les utilisateurs et les chauffeurs. La transparence devient un enjeu majeur pour les plateformes numériques.
Un modèle remis en question
Ce que montrent ces études, c’est la capacité d’Uber à utiliser l’intelligence artificielle pour anticiper le comportement humain. Ce n’est plus simplement une plateforme de mise en relation, mais un acteur qui influence activement le marché du transport urbain.
Alors que d’autres plateformes pourraient suivre cette voie, la question qui se pose désormais est simple : jusqu’où ces entreprises peuvent-elles aller dans la personnalisation des prix sans rompre l’équilibre entre profit et justice sociale ?