Fausses promesses, contrats précaires, offres inexistantes… Une étude récente menée par la CGT Chômeurs Précaires a mis en lumière une réalité alarmante : plus de la moitié des annonces d’emploi diffusées sur la plateforme France Travail seraient illégales ou frauduleuses. Cette situation pose de sérieuses questions sur l’intégrité des services publics de l’emploi en France et sur leur capacité à protéger les demandeurs d’emploi les plus vulnérables.
Une étude accablante : 55% des offres d’emploi jugées illégales
D’après l’étude de la CGT Chômeurs Précaires, 55% des annonces publiées sur France Travail ne respecteraient pas le cadre légal en vigueur. Ces annonces, qui devraient être le reflet fidèle des contrats de travail proposés, sont en réalité souvent trompeuses. Par exemple, il n’est pas rare de voir des CDD promettant un CDI à la clé, une promesse rarement tenue une fois le contrat signé. Pierre Garnodier, Secrétaire général du Comité National des Travailleurs Privés d’Emploi et Précaires (CNTPEP) de la CGT, a exprimé son inquiétude face à ces révélations, soulignant que ces pratiques créent un sentiment de désespoir chez les personnes en situation précaire.
L’étude menée par la CGT s’est basée sur l’analyse de 1844 offres d’emploi réparties dans douze villes françaises, couvrant des secteurs variés comme la santé, le service à la personne et l’industrie. Parmi ces offres, 1022 ont été jugées illégales, un chiffre qui dépasse largement les estimations officielles. En effet, une précédente étude réalisée par France Travail elle-même en janvier avait rapporté un taux d’irrégularité de seulement 7%.
Les irrégularités : des offres trompeuses et des pratiques douteuses
Les types d’irrégularités relevées sont variés mais tous convergent vers un même constat : les annonces ne reflètent pas la réalité des emplois proposés. Certaines offres, par exemple, sont déjà pourvues mais restent accessibles sur la plateforme, créant ainsi une fausse espérance chez les candidats. D’autres annonces, souvent postées par des entreprises de travail temporaire, promettent des contrats de longue durée alors que le poste effectif n’est disponible que pour quelques jours. Ces pratiques ne font qu’amplifier la précarité des demandeurs d’emploi, déjà fragilisés par leur situation.
Un exemple frappant est celui d’une annonce pour un poste de professeur d’anglais à Rennes, qui incluait des responsabilités administratives et de nettoyage. Contacté par la CGT, l’employeur a reconnu une erreur, mais l’annonce est restée en ligne pendant plusieurs semaines, induisant en erreur de nombreux candidats. Ce genre d’annonces non seulement dévalorise les compétences des candidats mais contribue aussi à une perte de confiance envers les plateformes publiques d’emploi.
France Travail et la privatisation du service public de l’emploi
La privatisation progressive du service public de l’emploi en France est au cœur de cette problématique. Depuis 2019, les réformes successives ont favorisé le recours à des partenaires privés, comme Hellowork ou Jobijoba, pour la diffusion des offres d’emploi sur France Travail. 80% des annonces présentes sur la plateforme proviennent désormais de ces partenaires, et ce sont ces offres qui sont les plus sujettes aux irrégularités.
La CGT dénonce cette situation, arguant que la privatisation du service public de l’emploi transforme le marché du travail en un marché juteux pour certaines entreprises, au détriment des chômeurs. Les prestations proposées par ces entreprises, comme « Activ’Projet » ou « Parcours Emploi Santé », sont souvent inefficaces et stigmatisantes, forçant les chômeurs à accepter des emplois précaires sous couvert d’accompagnement.
L’impact psychologique sur les demandeurs d’emploi
Les conséquences de ces pratiques sur les demandeurs d’emploi sont graves. Les témoignages recueillis par la CGT révèlent une détérioration de la santé mentale des chômeurs, marquée par une augmentation des cas de dépression et de tentatives de suicide. Le sentiment de trahison et d’inutilité est accentué par la multiplication des annonces trompeuses, qui alimentent une spirale de désespoir.
Selon les données de la CGT, 30% des chômeurs interrogés ont déclaré avoir ressenti une détresse psychologique liée à leurs difficultés à trouver un emploi correspondant à leurs compétences et attentes. Ces chiffres montrent l’importance de réformer en profondeur le système actuel pour garantir un service public de l’emploi plus transparent et plus efficace.
Quelles solutions pour un service public de l’emploi plus fiable ?
Face à cette situation, la CGT appelle à la réalisation d’une étude indépendante pour évaluer l’étendue des annonces frauduleuses sur France Travail. Le syndicat suggère que cette étude soit confiée à la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), un organisme disposant des moyens nécessaires pour mener une enquête approfondie et impartiale.
La CGT propose d’augmenter les moyens humains alloués à France Travail pour permettre un meilleur contrôle des offres diffusées. Le syndicat s’oppose également à la poursuite de la privatisation des services publics de l’emploi, estimant que cela ne fait qu’aggraver les problèmes existants.
Vers une action collective
La CGT ne compte pas en rester là. Le syndicat prévoit de porter l’affaire devant les tribunaux et de mobiliser les travailleurs autour de cette cause. Ils appellent également à une action concertée avec d’autres syndicats pour lutter contre la privatisation des services publics de l’emploi et protéger les droits des chômeurs. La lutte contre les fausses annonces sur France Travail est devenue une priorité pour garantir aux demandeurs d’emploi un accès à des offres fiables et respectueuses de leurs droits.