Le terme falaise de verre (glass cliff en anglais) est une métaphore utilisée pour décrire la situation des femmes nommées à des postes de leadership lorsque les organisations traversent des crises importantes. Contrairement à la notion bien connue du plafond de verre, qui empêche les femmes de gravir les échelons professionnels, la falaise de verre reflète la réalité selon laquelle les femmes accèdent souvent à des responsabilités élevées lorsque les risques d’échec sont plus élevés. Ce phénomène, bien que subtil, a un impact significatif sur la manière dont les femmes leaders sont perçues et sur les défis qu’elles doivent surmonter.
L’origine du concept de falaise de verre
Le concept de falaise de verre a été identifié en 2005 par deux chercheurs britanniques, Michelle K. Ryan et Alexander Haslam de l’Université d’Exeter. Ils ont étudié la nomination de femmes à des postes de direction dans des entreprises cotées en bourse et ont constaté que ces nominations se faisaient plus fréquemment lorsque les entreprises étaient déjà en difficulté. Leur recherche a démontré que les femmes étaient plus souvent choisies pour diriger lorsque la situation semblait quasi désespérée, les plaçant ainsi au bord d’une falaise métaphorique où l’échec était probable.
Un leadership risqué en période de crise
La falaise de verre reflète un paradoxe dans le monde professionnel : alors que les femmes accèdent enfin à des postes de direction, elles se retrouvent souvent à devoir diriger dans des situations précaires. Lorsqu’une organisation fait face à des difficultés financières, des scandales publics ou une mauvaise conjoncture économique, c’est souvent une femme qui est nommée pour redresser la situation. Cependant, si l’entreprise échoue malgré ses efforts, c’est elle qui portera la responsabilité de cet échec.
Pourquoi nomme-t-on des femmes en période de crise ?
Selon plusieurs études, la nomination des femmes à des postes de pouvoir pendant les crises repose sur des stéréotypes de genre. Les femmes sont perçues comme étant plus aptes à gérer les situations délicates grâce à des soft skills comme l’empathie, l’écoute et la gestion des relations humaines. Cependant, ces qualités sont souvent surexploitées en période de crise, où les attentes sont démesurées.
Une étude publiée par l’Université de Genève en 2021 a révélé que les femmes étaient plus fréquemment choisies pour des postes en période de crise. Selon les chercheurs, cette tendance est liée à la perception selon laquelle les femmes incarnent le changement et la rupture avec le passé.
Des exemples marquants de la falaise de verre
De nombreuses femmes leaders ont été confrontées à la falaise de verre au cours des dernières décennies. Voici quelques exemples :
- Theresa May, ancienne Première Ministre du Royaume-Uni, a été nommée en pleine crise du Brexit. Elle a dû gérer des négociations complexes dans des conditions politiques tendues, faisant face à une pression énorme. Lorsqu’elle n’a pas réussi à obtenir un accord satisfaisant, c’est son leadership qui a été remis en question.
- Marissa Mayer, ancienne PDG de Yahoo, a pris les rênes de l’entreprise alors qu’elle était déjà en déclin. Bien qu’elle ait mis en place plusieurs réformes pour redresser la situation, elle a dû faire face à des critiques sévères et à une surveillance constante, souvent motivées par son genre.
- Mary Barra, PDG de General Motors, est une autre illustration de la falaise de verre. Elle a été nommée à ce poste à un moment où l’entreprise faisait face à un énorme scandale de sécurité lié aux rappels de véhicules. Malgré ses efforts pour gérer la crise, elle a été confrontée à une pression intense pour corriger les erreurs passées.
La falaise de verre et la discrimination de genre
La falaise de verre peut être perçue comme une forme de discrimination de genre. Bien que les femmes puissent accéder à des postes élevés, elles le font souvent dans des conditions défavorables, où le risque d’échec est élevé. Cela renforce les stéréotypes négatifs, suggérant que les femmes ne sont pas aussi compétentes que leurs homologues masculins lorsqu’elles échouent à redresser des situations déjà compromises.
Comment éviter la falaise de verre ?
Pour éviter que les femmes ne soient nommées uniquement lorsque la situation est critique, il est essentiel de changer la manière dont les entreprises choisissent leurs dirigeants. Nommer des femmes à des postes de pouvoir en temps de stabilité, leur offrir un soutien adéquat et veiller à ce qu’elles ne soient pas surreprésentées en période de crise sont des solutions pour prévenir cette forme de discrimination.
La différence avec le plafond de verre
La falaise de verre ne doit pas être confondue avec le plafond de verre. Alors que le plafond de verre empêche les femmes d’accéder aux postes les plus élevés en raison de barrières invisibles, la falaise de verre concerne les femmes qui parviennent à accéder à ces postes, mais dans des conditions où leur échec est presque inévitable. Les deux concepts illustrent les difficultés persistantes auxquelles les femmes font face dans le monde professionnel.
