Une grande figure de la Résistance et du journalisme de guerre, Madeleine Riffaud, est décédée à l’âge de 100 ans. Née le 23 août 1924 dans la Somme, cette résistante et ancienne correspondante de guerre pour L’Humanité laisse un héritage marqué par ses engagements et son combat pour la liberté.
Les débuts d’une résistante
En 1941, Madeleine Riffaud, alors adolescente, se trouve confrontée à l’Occupation allemande dans sa région natale de la Somme. Cet événement marquant l’incite à rejoindre la Résistance à l’âge de 16 ans. Dès 1942, elle participe à des actions de sabotage en traçant des slogans anti-nazis sur les murs du Quartier latin à Paris. Son nom de code, « Rainer », choisi en hommage au poète allemand Rainer Maria Rilke, traduit déjà son engagement non pas contre le peuple allemand, mais contre l’occupation nazie.
En juillet 1944, Madeleine Riffaud, âgée de seulement 19 ans, accomplit un acte qui marquera à jamais son parcours : elle abat un sous-officier allemand sur le pont de Solférino à Paris. Capturée peu après, elle est emmenée au siège de la Gestapo où elle subit de terribles tortures. Malgré les interrogatoires brutaux, « Rainer » ne révèle rien. Elle échappe de peu à la déportation grâce à un échange de prisonniers organisé par la Croix-Rouge. Quelques jours après sa libération, elle reprend la lutte et participe aux combats pour la Libération de Paris.
Madeleine Riffaud, journaliste et correspondante de guerre
Après la guerre, Madeleine Riffaud commence une carrière de journaliste, d’abord au sein du journal Ce Soir, dirigé par Louis Aragon, puis à L’Humanité. Très vite, elle s’oriente vers le journalisme de guerre, couvrant des événements majeurs des guerres de décolonisation, notamment en Indochine et en Algérie. Son style journalistique, mêlant rigueur et engagement personnel, en fait une reporter de premier plan.
En 1957, elle devient correspondante de guerre pour L’Humanité en Algérie. Ses reportages dénoncent les pratiques de torture et les arrestations arbitraires menées par les autorités françaises contre les indépendantistes algériens. Elle-même cible de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), elle survit à un attentat en 1962 lorsqu’un camion militaire percute délibérément son véhicule à Oran. Grièvement blessée, elle est hospitalisée durant plusieurs mois mais reprend son activité de journaliste dès sa convalescence.
Dans les années 1960, Madeleine Riffaud se rend au Vietnam pour suivre les événements de la guerre contre les États-Unis. Elle partage la vie des combattants dans les maquis, documentant avec précision la réalité des combats. Son mariage avec le poète vietnamien Nguyên Đình Thi témoigne également de son engagement envers les causes qu’elle couvre, au-delà des frontières et des idéologies.
Les mémoires de Madeleine Riffaud en bande dessinée
Le 23 août 2024, jour de son centième anniversaire, Madeleine Riffaud publie le troisième et dernier tome de Madeleine, résistante, une bande dessinée retraçant ses années de lutte et de Résistance, réalisée en collaboration avec le dessinateur Dominique Bertail et le scénariste Jean-David Morvan. Cette œuvre offre un regard personnel sur son parcours, mettant en lumière les sacrifices et les convictions de celle qui fut surnommée « Rainer ».
Ces ouvrages, largement salués, permettent de faire connaître son parcours auprès des nouvelles générations. Le premier tome, intitulé La Rose dégoupillée, remporte en 2022 le prix Goscinny du meilleur scénario, un hommage à la force de son récit et à son rôle dans la mémoire collective de la Résistance française.
Une fin de vie marquée par les épreuves
Dans ses dernières années, Madeleine Riffaud subit une escroquerie par l’une de ses aides à domicile, Myriam B., qui détourne plus de 140 000 euros. Jugée en janvier 2024, l’aide à domicile est condamnée à huit mois de prison avec sursis, une amende et une interdiction d’exercer. Cette affaire attriste profondément Madeleine, alors affaiblie par des problèmes de santé.
Atteinte de troubles de la vision depuis son engagement en Algérie, Madeleine Riffaud perd progressivement la vue. Malgré cette fragilité, elle reste active intellectuellement et continue d’inspirer ses collaborateurs et amis. Ses proches témoignent de son humour et de son esprit vif, marqués par une lucidité sans faille.
Madeleine Riffaud a reçu de nombreux hommages pour son courage et son dévouement. Chevalier de la Légion d’honneur, elle est célébrée à la fois comme résistante et comme journaliste, et ses actions continuent d’inspirer au-delà de sa génération. Une placette porte désormais son nom à Amiens, un hommage à celle qui incarne la bravoure et la lutte pour la justice.
À travers ses écrits, ses reportages, et sa bande dessinée, Madeleine Riffaud laisse un témoignage précieux des luttes qu’elle a menées pour la liberté. Elle incarne l’engagement total, une vie consacrée à la défense de ses convictions, et restera une figure mémorable de l’histoire française.