Les autorités sont de plus en plus préoccupées par le phénomène de recrutement des adolescents par des groupes terroristes via des plateformes de jeux vidéo. Ce mode d’embrigadement, particulièrement insidieux, connaît une expansion inquiétante. La multiplication des cas de radicalisation chez les mineurs en France démontre que ces groupes ont su exploiter les failles des espaces virtuels pour y développer des techniques de recrutement sophistiquées.
Des jeux vidéo utilisés comme outils de radicalisation
Certaines plateformes de jeux vidéo sont devenues de véritables terrains d’opération pour les groupes extrémistes. Roblox, par exemple, est une plateforme en ligne accessible dès l’âge de 13 ans, qui permet non seulement de jouer, mais aussi d’échanger en ligne. Avec plus de 80 millions d’utilisateurs quotidiens, elle représente une opportunité pour les recruteurs d’accéder à une population jeune et influençable. Parmi les jeux disponibles sur cette plateforme, on trouve des reconstitutions de batailles comme celle de Falloujah en Irak, où il est possible de choisir son camp, y compris celui des « rebelles » arborant le drapeau de l’État islamique (EI). Ces jeux servent de vecteurs à une idéologie extrémiste, en immergeant les jeunes joueurs dans des scénarios de guerre où les symboles et discours terroristes sont banalisés.
Le rajeunissement des adolescents impliqués dans des projets d’action violente est un phénomène particulièrement préoccupant. Selon le parquet national antiterroriste, la proportion de mineurs impliqués dans des dossiers terroristes est passée de 1% en 2022 à 21% sur les sept premiers mois de 2024. Ce chiffre traduit une tendance alarmante : les groupes terroristes ciblent désormais de plus en plus les jeunes, utilisant des canaux de communication innovants et moins surveillés, comme les plateformes de jeux en ligne.
Le recrutement de jeunes via les jeux vidéo présente un défi majeur pour les forces de l’ordre. Les interactions se déroulent souvent dans des espaces numériques discrets, difficiles à surveiller. Les cyber-experts de sociétés spécialisées, comme Synacktiv, travaillent sur ces questions en collaboration avec les forces de l’ordre pour tenter d’identifier les activités suspectes. Cependant, la nature même de ces plateformes rend le suivi complexe, les conversations se déroulant dans des espaces privés ou dans le cadre de jeux qui échappent encore à une vigilance stricte.
Les groupes terroristes exploitent les failles personnelles et la quête identitaire des adolescents. En manipulant leurs émotions et en les isolant de leur entourage, ils les enferment dans une logique de radicalisation. Les recruteurs cherchent à les convaincre qu’ils sont sur le chemin de la vérité, en les encourageant à se détacher du reste de l’humanité. L’objectif est d’induire une rupture avec la société, et de les pousser à adhérer à une idéologie extrémiste. Les recruteurs utilisent des discours manipulateurs pour inculquer à ces jeunes des idées radicales et leur inculquer un sentiment de loyauté envers leur cause.
Face à cette menace, les institutions de l’État s’organisent pour répondre de manière coordonnée. Des réunions régulières entre la justice, les forces de l’ordre, l’éducation nationale et d’autres organismes permettent de suivre les mineurs radicalisés et de mettre en place des mesures adaptées. Les programmes de déradicalisation, comme ceux suivis par certains adolescents interpellés, visent à déconstruire les discours de haine et à offrir un soutien psychologique et éducatif pour favoriser leur réintégration.
Il est crucial que les parents et les éducateurs soient informés et vigilants face à ce phénomène. Comprendre les jeux auxquels les adolescents jouent, et surveiller les interactions en ligne, peut aider à détecter les premiers signes de radicalisation. Les plateformes de jeux vidéo ont aussi un rôle à jouer en matière de modération et de contrôle des contenus pour éviter que ces espaces ne soient détournés à des fins de propagande terroriste. L’éducation aux médias et à l’information, ainsi que le dialogue familial, sont des outils essentiels pour prévenir l’embrigadement des jeunes.
