La Méditerranée a perdu 70% de son eau il y a 5,5 millions d’années
Il y a environ 5,5 millions d’années, la mer Méditerranée a connu un événement géologique spectaculaire : elle a perdu près de 70 % de son eau, un phénomène causé par la fermeture temporaire du détroit de Gibraltar, qui la relie à l’océan Atlantique. Cette période, connue sous le nom de crise de salinité messinienne, a transformé le paysage et la biodiversité de la région de manière radicale.
Le détroit de Gibraltar joue aujourd’hui un rôle essentiel dans l’équilibre hydrique de la Méditerranée. Les échanges d’eau entre l’océan Atlantique et la mer permettent de compenser l’évaporation rapide de cette dernière, qui n’est pas suffisamment alimentée par les fleuves environnants. Lorsqu’il se ferme, comme cela s’est produit à la fin du Miocène, ces échanges cessent, entraînant des bouleversements majeurs.
La crise de salinité messinienne
La crise de salinité messinienne a débuté avec une restriction progressive du détroit de Gibraltar, causée par les mouvements des plaques tectoniques. Pendant environ 35 000 ans, la Méditerranée était encore pleine d’eau, mais les échanges avec l’Atlantique étaient limités. Cela a entraîné une accumulation de sels, en particulier dans la partie orientale du bassin, rendant l’eau saumâtre et moins habitable pour les espèces marines.
La seconde phase, bien plus courte, a duré environ 10 000 ans. Durant cette période, le détroit de Gibraltar s’est complètement fermé, coupant la Méditerranée de l’océan Atlantique. L’absence d’apports d’eau douce suffisants a conduit à une évaporation massive, réduisant le niveau de la mer de manière spectaculaire. Dans la partie orientale, la baisse atteignait entre 1,7 et 2,1 km, tandis que la partie occidentale enregistrait une chute de 850 mètres.
Des conséquences géologiques et écologiques majeures
L’un des résultats les plus marquants de cet événement est l’accumulation d’une couche de sels épaisse de 2 à 3 kilomètres au fond de la Méditerranée, représentant un million de kilomètres cubes. Ces dépôts témoignent de la salinité extrême qui régnait dans la région et de l’ampleur de l’évaporation.
Avec une salinité aussi élevée, la biodiversité marine a été drastiquement affectée. Les poissons et cétacés qui peuplaient la Méditerranée ont disparu, ne laissant place qu’à des micro-organismes capables de survivre dans des conditions extrêmes.
La baisse du niveau de la mer a également transformé la géographie de la région. Dans la partie occidentale, un pont terrestre s’est formé entre l’Europe et l’Afrique, permettant à des mammifères comme des chèvres, des rongeurs et des lapins de coloniser les Baléares depuis le continent.
La perte d’un tel volume d’eau, représentant 70 % du bassin méditerranéen, a également eu des effets géophysiques. La pression exercée par l’eau sur la lithosphère (la croûte terrestre) a diminué, facilitant la formation et la migration du magma. Cela a augmenté l’activité volcanique dans la région.
Sur le plan climatique, l’assèchement de la Méditerranée a perturbé la circulation atmosphérique au-dessus du bassin, avec des répercussions possibles à l’échelle mondiale.
La réouverture du détroit et le retour à l’équilibre
La fermeture du détroit de Gibraltar n’a été que temporaire. Il s’est rouvert il y a environ 5,33 millions d’années, permettant à l’eau de l’Atlantique de se déverser dans le bassin méditerranéen. Cet événement a marqué la fin de la crise de salinité messinienne et a rétabli un équilibre hydrologique, redonnant à la Méditerranée l’apparence que nous lui connaissons aujourd’hui.
Cette période fascinante de l’histoire géologique illustre l’importance des connexions maritimes dans l’équilibre des écosystèmes. Elle continue de captiver les scientifiques, qui explorent les archives géologiques pour mieux comprendre les interactions entre tectonique, climat et vie marine.