Le Captagon, initialement un médicament conçu dans les années 1960 pour traiter des troubles tels que la narcolepsie, a rapidement dérivé vers un usage récréatif. Son principe actif, la fénétylline, a été interdit dans les années 1990. Depuis, les comprimés vendus sous ce nom contiennent un mélange d’amphétamines et d’autres substances comme la caféine.
- Effets recherchés : la drogue offre des sensations d’euphorie, réduit la faim et la fatigue, et donne un sentiment de puissance.
- Consommateurs principaux : les élites aisées et les travailleurs dans les pays du Golfe, notamment en Arabie saoudite, qui représente le plus grand marché pour cette substance.
Le Captagon, souvent surnommé « cocaïne du pauvre » ou « drogue des djihadistes », est également associé à des conflits armés pour ses effets stimulants sur les combattants.
La Syrie : une plaque tournante du narcotrafic
Avec la guerre civile et les sanctions internationales, le régime d’Assad a trouvé dans la production de Captagon une source de revenus cruciale. Ce commerce a permis de compenser la chute des exportations légales, faisant de la drogue la première source de devises étrangères pour le pays.
Un trafic étatique organisé
- Production industrielle : des laboratoires clandestins en Syrie, notamment dans la région de Damas, produisaient des quantités massives de pilules.
- Réseau contrôlé par le régime : le commerce était supervisé par la 4e division de l’armée syrienne, dirigée par Maher al-Assad, frère du président, en partenariat avec le Hezbollah libanais.
- Revenus colossaux : selon certaines estimations, ce trafic a généré jusqu’à 10 milliards de dollars par an, dépassant de loin toutes les autres exportations syriennes.
Les méthodes d’exportation incluaient des caches ingénieuses, comme des boîtiers électriques ou des fruits en plastique, illustrant le caractère systématique de ce commerce.
Une pression diplomatique et économique liée au Captagon
L’importance du Captagon sur la scène internationale a fait de la lutte contre cette drogue un enjeu diplomatique majeur. En 2023, lors de la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe, l’arrêt du trafic était une condition posée par l’Arabie saoudite. Cependant, cet engagement n’a pas été tenu, le régime étant trop dépendant des revenus issus du narcotrafic.
- Sanctions internationales : des responsables syriens, notamment Maher al-Assad, ont été visés par des sanctions américaines et européennes.
- Tensions régionales : le commerce de Captagon alimentait non seulement les caisses du régime mais aussi des groupes armés comme le Hezbollah, qui utilisaient ces revenus pour financer leurs activités.
L’après-Assad : quel avenir pour le trafic de Captagon ?
Avec la chute du régime de Bachar al-Assad, les groupes rebelles, notamment le Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ont promis de démanteler les infrastructures liées au trafic de Captagon. Des stocks impressionnants de pilules ont déjà été découverts et détruits, mais les défis restent nombreux.
- Détruire les stocks : des quantités massives de comprimés ont été saisies dans des hangars ou des bases militaires. Leur destruction doit être gérée avec soin pour éviter des dommages environnementaux.
- Surveillance internationale : un contrôle indépendant est nécessaire pour garantir que le démantèlement soit complet et non récupéré par d’autres groupes.
Malgré ces efforts, le trafic pourrait être récupéré par d’autres acteurs, notamment des factions rebelles ou des organisations criminelles régionales. La demande reste forte dans les pays du Golfe, où le Captagon est particulièrement prisé.
Le Hezbollah, allié du régime syrien, jouait un rôle clé dans la production et la distribution du Captagon. Face à la diminution des financements en provenance de l’Iran, le mouvement chiite s’était tourné vers ce commerce pour financer ses activités.
- Zones de production : la vallée de la Bekaa au Liban reste un centre de production important.
- Impact économique : la chute du régime syrien pourrait affaiblir le Hezbollah en réduisant ses sources de financement, mais aussi redistribuer le trafic à d’autres groupes.
Le Captagon a incarné la faillite économique et morale du régime de Bachar al-Assad, qui a exploité cette drogue pour financer son maintien au pouvoir. La transition post-Assad devra non seulement reconstruire le pays mais aussi gérer les conséquences sociales et sanitaires d’un trafic qui a profondément marqué la région.