Le Burkina Faso pourrait bientôt voir un retour de la peine de mort dans son système judiciaire. Le régime militaire, en place depuis le coup d’État de septembre 2022, travaille actuellement sur un projet de réintroduction de cette sanction dans le code pénal. Cette décision suscite déjà des réactions contrastées et des débats passionnés au sein de la société civile, des organisations internationales et des défenseurs des droits de l’homme.
La volonté de rétablir la peine capitale a été confirmée le samedi 9 novembre par une source gouvernementale. Selon cette source, la question est déjà en discussion au sein du gouvernement et pourrait être prochainement soumise à l’Assemblée législative de transition (ALT), une instance temporaire nommée par la junte au pouvoir. Cependant, aucune date précise n’a encore été annoncée pour la présentation de cette mesure.
Rodrigue Bayala, ministre de la Justice, a également confirmé ce projet lors d’une récente intervention devant l’ALT, où il a mentionné que la révision du code pénal fait partie des priorités de l’administration actuelle. Selon lui, cette décision s’inscrit dans une démarche visant à “concrétiser les instructions du chef de l’État”, le capitaine Ibrahim Traoré.
Le Burkina Faso avait aboli la peine de mort en 2018, sous le régime civil de Roch Marc Christian Kaboré, marquant ainsi une avancée dans le respect des droits humains. Cette décision avait été saluée par de nombreuses organisations internationales et représentait une étape importante pour le pays, rejoignant alors une vingtaine de nations africaines qui avaient choisi d’abolir cette sanction.
Pourtant, malgré l’abolition officielle, les condamnations à mort continuaient d’être prononcées dans le pays, bien que non exécutées. La dernière exécution documentée au Burkina Faso remonte à 1988, selon les rapports d’Amnesty International.
Le Burkina Faso traverse une période de crise sécuritaire marquée par une intensification des attaques de groupes armés et un sentiment d’insécurité omniprésent. Cette situation pourrait expliquer, en partie, la volonté des autorités militaires de durcir leur approche en matière de justice. La réintroduction de la peine de mort est perçue par certains comme un moyen de renforcer l’autorité de l’État face à la criminalité et au terrorisme qui sévissent dans le pays.
Cependant, cette démarche suscite des inquiétudes quant aux risques de violations des droits humains et de recours excessif à des mesures répressives. Les défenseurs des droits de l’homme redoutent que le rétablissement de la peine de mort ne devienne un outil de dissuasion, voire de répression politique, dans un contexte où la liberté d’expression et les droits civiques sont déjà fragilisés.
La perspective de réintroduction de la peine capitale au Burkina Faso ne passe pas inaperçue auprès des ONG internationales, qui expriment leurs préoccupations quant à ce retour en arrière. Amnesty International, en particulier, a mis en lumière une tendance inquiétante en Afrique subsaharienne : en 2023, les exécutions recensées dans cette région ont plus que triplé, et les condamnations à mort ont connu une hausse de 66 % par rapport aux années précédentes.
Dans un rapport publié en octobre 2023, l’organisation rappelle que 24 pays d’Afrique subsaharienne ont déjà aboli la peine de mort pour tous les crimes, et que deux autres, le Kenya et le Zimbabwe, envisagent des réformes similaires. Cette mobilisation en faveur de l’abolition s’appuie sur des considérations liées à la dignité humaine et au caractère irréversible de cette sanction.
Si la peine de mort est effectivement rétablie au Burkina Faso, cela pourrait avoir des répercussions majeures sur le plan juridique et sociétal. Le code pénal serait ainsi modifié pour y inclure la peine capitale, ce qui représenterait un tournant significatif par rapport aux avancées en matière de droits humains observées ces dernières années dans le pays. Les détracteurs de cette mesure soulignent le danger d’un retour à une justice perçue comme expéditive, surtout dans un contexte de gouvernance militaire.
La communauté internationale, quant à elle, suit de près les développements de cette affaire. Plusieurs nations et organisations militantes pour les droits humains ont déjà fait part de leur volonté d’intervenir pour encourager le Burkina Faso à respecter les engagements pris en matière de justice et de droits humains.
Le projet de loi sur la peine de mort pourrait être présenté prochainement à l’Assemblée législative de transition. Si celle-ci approuve la mesure, le Burkina Faso rejoindrait ainsi les pays africains ayant réintroduit cette sanction, au moment où une grande partie du continent semble, au contraire, s’orienter vers son abolition. Pour les partisans de cette réintroduction, il s’agit avant tout de répondre aux attentes de la population en matière de sécurité et de justice. Toutefois, pour les défenseurs des droits de l’homme, ce choix pourrait mener à une forme de répression renforcée et à des dérives autoritaires.