Pourquoi cette surveillance ?
La motivation principale de cette initiative est de suivre l’opinion publique et ses évolutions en ligne, dans le but de comprendre les préoccupations et attentes des Français vis-à-vis des actions gouvernementales. Ce suivi se fait de façon publique, c’est-à-dire en analysant les contenus disponibles et accessibles à tous sur Internet. Selon le SIG, ces analyses sont un complément aux études d’opinion plus traditionnelles, permettant de détecter les tendances sociales émergentes et d’ajuster les stratégies de communication.
Cet appel d’offres, qui court jusqu’en 2029, s’articule autour de cinq lots spécialisés :
- Lot 1 : analyse de l’impact en temps réel des contenus publics accessibles en ligne, notamment pour suivre les réactions aux messages institutionnels ou d’autres personnalités publiques.
- Lot 2 : suivi des discussions en ligne qui concernent le Président de la République, le Premier ministre, les ministères, ainsi que les ambassades et consulats, permettant un suivi international.
- Lot 3 : détection de signaux faibles pour anticiper des événements ou mouvements de société encore peu visibles mais à fort potentiel d’influence.
- Lot 4 : search listening, qui consiste à surveiller les recherches faites par les Français sur des moteurs comme Google, mais aussi sur des plateformes comme TikTok, YouTube ou Instagram, pour identifier les sujets populaires.
Ce projet, d’une valeur maximale de 5,05 millions d’euros sur quatre ans, reflète une volonté gouvernementale d’anticiper les tendances en ligne.
Les acteurs concernés
Pour mener à bien cette mission, le SIG s’appuie sur des prestataires spécialisés comme Visibrain, Talkwalker et Newswhip, déjà actifs dans la surveillance des réseaux sociaux. Ces entreprises scrutent les publications publiques sur des plateformes comme Twitter, Instagram, Facebook et TikTok, recueillant des millions de posts pour analyser les préoccupations qui montent dans la société.
La nouveauté cette fois-ci est l’utilisation plus systématique de l’intelligence artificielle pour mieux cerner les sentiments et analyser les sujets émergents. L’IA permet notamment de :
- Détecter les changements rapides de ton sur des sujets sensibles ;
- Anticiper les événements critiques ou potentiellement perturbateurs ;
- Analyser les dynamiques de conversation autour de sujets politiques ou sociaux en temps réel.
Les prestataires devront également analyser les recherches les plus fréquentes des utilisateurs, une pratique appelée « search listening ». Par cette méthode, le SIG peut identifier les tendances de recherche spontanées, et adapter ses stratégies de communication pour répondre aux préoccupations des citoyens.
Signaux faibles et détection de tendances
Le suivi des signaux faibles est essentiel pour identifier les sujets de société avant qu’ils ne deviennent massifs. Cela inclut, par exemple, les discussions sur les forums ou les appels à rassemblement diffusés sur les réseaux sociaux. Cette stratégie de veille permet de capter des signes d’opinions latentes, ou des mouvements sociaux encore discrets mais susceptibles de prendre de l’ampleur.
À l’aide de l’intelligence artificielle, les prestataires peuvent analyser des mots-clés, hashtags ou expressions qui montent progressivement dans les conversations en ligne. Ils sont également en mesure de repérer les groupes d’influence ou les utilisateurs-clés à l’origine de ces mouvements, pour mieux comprendre comment certains sujets passent de discussions marginales à des sujets d’actualité brûlants.
Des données publiques et anonymes
Il est important de noter que ce dispositif se base exclusivement sur des données publiques et anonymes. Contrairement aux idées reçues, cette surveillance ne donne pas accès aux recherches individuelles des utilisateurs ni à des informations privées. En effet, le SIG et ses prestataires se limitent à l’analyse des mots-clés et des recherches les plus populaires, sans cibler d’utilisateurs spécifiques.
Les informations collectées servent uniquement à comprendre les tendances sociétales, et non à surveiller individuellement les citoyens. Les moteurs de recherche comme Google, ou les réseaux sociaux comme Facebook, proposent des API (interfaces de programmation) permettant d’accéder aux tendances de recherche de manière agrégée, garantissant ainsi le respect de la vie privée.
Face aux préoccupations sur la protection des données personnelles, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) veille au respect des réglementations, y compris pour les données publiques. Bien que les informations suivies par le SIG soient accessibles à tous, la CNIL reste vigilante quant aux méthodes d’analyse et d’automatisation utilisées pour éviter les dérives.
Une réponse aux enjeux de sécurité nationale et de cohésion sociale
Cette veille numérique n’a pas seulement une dimension politique, mais répond aussi à des enjeux de sécurité nationale. En effet, les signaux faibles permettent de détecter des tentatives de désinformation ou d’ingérence étrangère, par exemple par la création de faux comptes pour susciter des mouvements populaires. En identifiant ces opérations, le SIG peut alerter les autorités et prévenir des actes de manipulation.
L’outil de social listening a permis de détecter et suivre le mouvement des Gilets jaunes, en identifiant les préoccupations autour de l’augmentation des prix du carburant et d’autres sujets de mécontentement. Le dispositif a également permis d’analyser l’ampleur de la mobilisation et d’ajuster les réponses gouvernementales en conséquence.
Le SIG prévoit également d’utiliser les informations collectées pour améliorer ses stratégies de communication. Par exemple, si un sujet spécifique suscite un fort intérêt en ligne, le gouvernement peut choisir d’y répondre de manière proactive ou d’ajuster ses campagnes d’information pour mieux s’adresser aux citoyens.
Ainsi, le social listening et le search listening deviennent des outils de prévision pour anticiper les attentes et préoccupations des Français, tout en offrant au gouvernement une meilleure compréhension de l’opinion publique en ligne.