Études

90,5 % des élèves de CM2 font plus de 15 fautes en dictée

Une étude récente menée par Jérôme Fourquet, publiée par la Fondation Jean-Jaurès, met en lumière une baisse marquée du niveau en orthographe des élèves de CM2. Selon cette enquête, 90,5 % des élèves en dernière année de primaire font plus de 15 fautes lors d’une dictée de 67 mots. Ce chiffre contraste fortement avec les résultats observés en 1987, où seuls 33 % des élèves atteignaient ce seuil.

Cette dégradation de la maîtrise de la langue française est devenue un sujet de préoccupation majeur pour l’Éducation nationale et au-delà, puisqu’elle reflète des changements plus profonds dans l’usage du langage au sein de la société.

L’évolution du langage et ses causes

L’étude souligne que cette baisse de niveau ne se limite pas à l’orthographe. Le vocabulaire des élèves est également moins riche, et la syntaxe tend à devenir plus relâchée. Ces lacunes, observées dès le plus jeune âge, s’étendent au fil des années et se retrouvent dans les comportements linguistiques des adolescents puis des adultes.

Selon Jérôme Fourquet, ces changements sont liés à l’influence croissante des textos et des réseaux sociaux, où l’écriture se réduit souvent à une phonétique rudimentaire. Ces pratiques numériques favorisent une simplification extrême de la langue, au détriment des règles grammaticales et orthographiques.

L’étude s’interroge également sur l’impact de l’écriture numérique par rapport à l’écriture manuscrite. Contrairement à l’écriture cursive, qui structure la pensée et enseigne des règles formelles, les textos et les messages numériques privilégient la rapidité et la simplification.

Comme l’évoque un sociologue cité dans l’étude, Norbert Elias, l’écriture manuscrite a joué un rôle crucial dans les processus de civilisation. Ce lien semble s’éroder avec la domination des technologies numériques, soulevant des questions sur les effets à long terme de ces pratiques.

Des tendances lourdes dans l’évolution de l’éducation

En comparant les données actuelles avec celles des années 1980, on observe une explosion des lacunes en orthographe. En 1987, seuls un tiers des élèves faisaient plus de 15 fautes dans une dictée standard. Aujourd’hui, ce chiffre dépasse 90 %. Ce glissement témoigne d’une transformation profonde des pratiques éducatives et des environnements culturels auxquels les enfants sont exposés.

Les enseignants ressentent directement les effets de cette baisse de niveau. Une enseignante en collège privé à Pau témoigne :

« Ce que je faisais il y a vingt ans pour un niveau de 6e ou 5e serait compliqué à faire aujourd’hui dans les mêmes classes. »

Ces lacunes initiales compliquent la progression des élèves tout au long de leur scolarité. Les enseignants doivent souvent revenir sur des bases censées être acquises en primaire, ce qui alourdit les programmes des niveaux supérieurs.

Les répercussions sociales et culturelles

Les faiblesses linguistiques des jeunes générations ne s’arrêtent pas à l’école. En grandissant, ces élèves reproduisent ces pratiques dans leur quotidien, influençant ainsi l’usage global de la langue française.

Des études empiriques montrent une évolution notable dans la manière dont les Français s’expriment. Par exemple, les comparaisons entre des micros-trottoirs des années 1960 et ceux réalisés récemment révèlent un appauvrissement du vocabulaire et une syntaxe plus relâchée.

Un exemple cité dans l’étude illustre cette évolution : un kebab à Poitiers nommé L’Otentik, une variante orthographique qui, bien que liée à des influences culturelles, témoigne de cette tendance à s’éloigner des normes orthographiques. Ce phénomène, autrefois cantonné à certains groupes, s’étend désormais à une large partie de la population.

Des pistes pour redresser le niveau

L’écriture manuscrite joue un rôle clé dans la structuration de la pensée. Renforcer son apprentissage dès le plus jeune âge pourrait aider à freiner la tendance à l’appauvrissement linguistique.

Il est crucial d’éduquer les élèves à un usage équilibré des technologies, en insistant sur l’importance de respecter les règles de la langue dans un contexte numérique. Cela pourrait passer par des ateliers spécifiques ou une sensibilisation accrue aux effets de l’écriture simplifiée.

Les dictées et exercices d’orthographe doivent retrouver une place centrale dans les programmes scolaires. Des évaluations régulières permettraient d’identifier les lacunes plus tôt et de mettre en place des stratégies pour y remédier.

Une alerte pour l’avenir de la langue française

Cette étude met en lumière un enjeu crucial pour la société française : préserver la richesse et la structure de la langue face aux bouleversements induits par les évolutions technologiques et culturelles. Le défi est d’autant plus grand que la langue française, riche et complexe, reste un pilier de l’identité culturelle nationale.