En 2023, les universités scientifiques ont bénéficié de dotations publiques bien supérieures à celles des disciplines de sciences humaines, de droit ou d’économie. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, l’écart s’élève à 2 321 euros par étudiant par rapport aux sciences humaines et sociales et à 4 001 euros par rapport aux facultés de droit et d’économie. Cette situation soulève des critiques croissantes, notamment de la part des présidents d’université et des chercheurs.
Ce financement repose majoritairement sur la subvention pour charge de service public (SCSP), représentant 80 à 90 % des ressources des universités. Ces subventions couvrent principalement les salaires du personnel enseignant et administratif, avec une part marginale dédiée aux dépenses de fonctionnement, comme le chauffage ou l’entretien des bâtiments.
Un déséquilibre hérité de l’histoire et amplifié par les réformes
L’origine de cette différence remonte aux années 1980, avec des taux d’encadrement historiquement conçus pour être plus favorables aux disciplines scientifiques. Ces filières nécessitent davantage de travaux dirigés et un renouvellement régulier des équipements tels que les laboratoires, justifiant une dotation plus élevée par étudiant. En revanche, les sciences humaines, souvent enseignées en grands groupes, ne reçoivent pas les mêmes avantages.
Les réformes des années 1990 et 2000, comme la loi sur les libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007, ont consolidé ces inégalités. Selon Emmanuelle Picard, professeure d’histoire contemporaine, ces politiques ont accentué l’effet Saint-Mathieu :
On donne davantage aux universités déjà bien dotées, tandis que les moins favorisées continuent de souffrir de sous-financement.
Les initiatives d’excellence (Idex), créées pour positionner certaines universités parmi les meilleures au monde, ont également accentué ce déséquilibre. Ces programmes favorisent surtout les sciences dures, plus aptes à satisfaire les critères internationaux de publication.
Un système inégalitaire jusque dans les disciplines
Anne Fraïsse, présidente de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, dénonce une injustice profonde :
Un étudiant d’une même discipline n’est pas financé de la même manière selon son université.
Cette situation résulte de bases historiques inéquitables qui n’ont pas été corrigées, rendant impossible une égalité de traitement réelle.
Depuis 2023, les contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) entre les universités et le ministère ajoutent une dimension compétitive. Ces contrats, bien qu’introduits pour stimuler l’efficacité des universités, pénalisent souvent les établissements accueillant un large public, en incitant à réduire les capacités d’accueil pour améliorer artificiellement les indicateurs de performance.
Le désengagement financier de l’État
La diminution des financements publics pousse les universités à chercher des solutions d’auto-financement, comme la formation continue ou les frais de scolarité. Cependant, ces stratégies ne sont accessibles qu’aux établissements disposant déjà de moyens conséquents, aggravant les écarts existants.
Pour Vincent Gouëset, président de l’université de Rennes 2, cette quête de ressources supplémentaires est chronophage et détourne les équipes des missions pédagogiques classiques. De plus, les fonds obtenus par appels à projets sont souvent contraints à des usages spécifiques, limitant leur impact global.
Appels à un rééquilibrage urgent
Un groupe de travail au sein de France Université plaide pour deux mesures principales : une transparence accrue dans le calcul des dotations et un plan de rattrapage pour les universités sous-dotées. Les dirigeants d’universités appellent également à une compensation des impacts de l’inflation et des mesures salariales non couvertes par les subventions actuelles.