Face à un déficit budgétaire important, le gouvernement explore diverses pistes pour réduire les dépenses publiques, et les aides à l’apprentissage sont particulièrement visées. Dans le cadre du budget 2025, le Premier ministre Michel Barnier et la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet envisagent des ajustements significatifs sur les aides à l’embauche des apprentis, actuellement fixées à 6000 euros.
Première piste : une diminution partielle des aides à l’apprentissage
L’une des premières mesures envisagées consiste à réduire l’aide versée aux entreprises pour l’embauche d’apprentis. L’aide de 6000 euros pourrait être abaissée à 4500 euros pour l’ensemble des entreprises. Cette réduction de 1500 euros inquiète particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME), qui emploient environ 70 % des apprentis en France.
Les PME, qui constituent une part essentielle du tissu économique français, risquent de subir de plein fouet cette réduction. Pour ces entreprises, l’aide actuelle est une incitation majeure à recruter des apprentis, ce qui contribue à la formation des jeunes et à leur intégration professionnelle. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a exprimé ses craintes à ce sujet en déclarant que cette mesure pourrait « couper le magnifique élan » en faveur de l’apprentissage dans les PME.
Deuxième piste : une baisse des aides pour les formations supérieures
Une autre piste étudiée par le gouvernement serait de supprimer l’aide pour les apprentis suivant des formations de niveau bac+3 et au-delà, notamment dans les entreprises de plus de 250 salariés. Cette suppression permettrait de réaliser une économie estimée à 554 millions d’euros.
Cette mesure viserait spécifiquement les étudiants inscrits dans des formations de niveau licence (bac+3) et master (bac+5), dans les grandes entreprises. En revanche, les aides seraient maintenues pour les apprentis de niveau bac+2 ou moins, ainsi que pour ceux inscrits dans des petites entreprises. L’objectif est de concentrer les ressources sur les niveaux de formation qui bénéficient le plus aux jeunes issus de parcours scolaires plus courts.
Cependant, cette proposition suscite l’inquiétude des employeurs et du patronat, qui estiment que ces aides permettent de former des alternants qualifiés, notamment dans des secteurs où les besoins en main-d’œuvre spécialisée sont importants. En 2023, près de 400 000 étudiants de niveau bac+3 suivaient un cursus en alternance, bénéficiant de cette aide pour accéder à des formations coûteuses dans des écoles de commerce ou d’ingénieurs.
Troisième piste : une suppression progressive des exonérations fiscales
Outre les aides à l’embauche, le gouvernement envisage de supprimer l’exonération d’impôt sur le revenu pour les apprentis, une mesure qui pourrait rapporter 459 millions d’euros à l’État. Actuellement, les salaires perçus par les apprentis sont exonérés d’impôts dans la limite d’un certain plafond. La suppression de cette exonération serait une source importante de recettes fiscales, mais elle pourrait également désinciter les jeunes à choisir l’alternance, d’autant plus que ces revenus constituent souvent un soutien financier essentiel pour eux.
Si cette mesure venait à être appliquée, elle pourrait alourdir la fiscalité des jeunes apprentis, notamment ceux qui poursuivent des études tout en travaillant. Cette situation pourrait dissuader certains jeunes de choisir cette voie, surtout s’ils voient leur rémunération nette diminuer en raison de la fiscalité.
Quatrième piste : réduction des subventions aux centres de formation des apprentis (CFA)
Le gouvernement envisage également de réduire les subventions accordées aux centres de formation des apprentis (CFA), les institutions qui assurent la partie théorique des formations en alternance. Cette mesure pourrait représenter une économie de 150 millions d’euros pour les finances publiques.
Les CFA jouent un rôle clé dans la formation des jeunes, en assurant l’enseignement nécessaire pour compléter la formation professionnelle reçue en entreprise. Une réduction des subventions pourrait impacter la qualité des formations proposées et la capacité des CFA à accueillir un nombre croissant d’apprentis, ce qui pourrait remettre en cause l’efficacité de ce modèle éducatif pourtant plébiscité.
Autres pistes de réduction des coûts
Outre les mesures précédemment évoquées, plusieurs autres propositions sont sur la table pour réduire les coûts liés à l’apprentissage :
- Modifications des conditions d’éligibilité à l’aide à l’embauche pour certains secteurs ou pour certaines catégories d’entreprises, en fonction de leur taille ou de leur secteur d’activité.
- Réductions progressives des aides pour certaines formations jugées moins prioritaires, comme celles qui concernent des métiers moins en tension ou des secteurs où le besoin de main-d’œuvre est moins pressant.
L’importance d’une réforme équilibrée
Face à la nécessité de réaliser des économies, le gouvernement doit trouver un équilibre délicat entre la réduction des dépenses publiques et le maintien d’un dispositif d’apprentissage efficace. Les aides à l’apprentissage ont joué un rôle crucial dans la hausse du nombre d’alternants ces dernières années, dépassant le million d’apprentis en 2023.
Pour beaucoup d’employeurs et de jeunes, l’alternance est un tremplin vers l’emploi, permettant d’acquérir une expérience professionnelle tout en obtenant un diplôme. Réduire drastiquement les aides pourrait compromettre cette dynamique, en particulier pour les PME et les secteurs où les besoins en personnel qualifié sont importants.
Le gouvernement devra donc s’assurer que toute réforme des aides à l’apprentissage soit ciblée et progressive, afin de ne pas compromettre les avancées réalisées ces dernières années en matière de formation professionnelle et d’insertion des jeunes sur le marché du travail.