John Carreyrou en tête de file
Si vous avez suivi l’affaire Theranos, ce nom vous dit forcément quelque chose. John Carreyrou, le journaliste d’investigation qui a fait tomber Elizabeth Holmes avec son livre Bad Blood, est l’un des meneurs de cette nouvelle bataille judiciaire. Avec cinq autres écrivains, il a déposé plainte le 22 décembre devant une cour fédérale de Californie.
Leur accusation est simple et explosive : ces entreprises auraient entraîné leurs modèles de langage (LLM) — les cerveaux derrière ChatGPT, Claude ou Llama — en utilisant des copies piratées de leurs livres. Plutôt que d’acheter des licences légales, les géants de la Tech se seraient servis dans des « bibliothèques fantômes » bien connues du web pirate, comme LibGen ou Z-Library.
Le vol de la créativité pour des milliards de dollars ?
Pour les plaignants, l’équation est injuste. D’un côté, des auteurs qui passent des années à écrire des œuvres originales. De l’autre, des entreprises qui copient ces textes « en quelques secondes » pour construire des produits valant aujourd’hui des centaines de milliards de dollars.
La plainte dénonce une « appropriation non autorisée » qui sert à « optimiser » des produits commerciaux. En clair : l’IA devient intelligente et rentable grâce au travail volé des créateurs, sans que ces derniers ne touchent un kopeck. C’est une violation directe du droit d’auteur, affirment-ils, assimilable à du vol pur et simple.
Pourquoi refuser la « Class Action » ?
C’est la grande originalité de cette démarche. Habituellement, aux États-Unis, les victimes se regroupent en « action collective » (class action) pour peser plus lourd. Mais ici, les auteurs ont choisi de porter plainte individuellement, en groupe restreint.
Pourquoi ? Parce qu’ils estiment que les actions collectives finissent souvent par des accords au rabais qui arrangent surtout les entreprises. Ils citent l’exemple récent d’Anthropic, qui a proposé de régler une plainte de 500 000 auteurs pour 1,5 milliard de dollars. Résultat : chaque écrivain toucherait environ… 3 000 dollars.
Pour John Carreyrou et ses confrères, c’est une insulte. Accepter ce genre de deal permettrait aux géants de l’IA de « solder » leurs violations massives pour des « centimes », tout en continuant leurs pratiques comme si de rien n’était. Ils veulent garder le contrôle de leur procès et forcer la Tech à payer le « coût réel » de ce qu’elle utilise.
La défense des géants : silence et démentis
Pour l’instant, la réaction de la Big Tech est timide. Seule l’entreprise Perplexity a réagi en affirmant qu’elle « n’indexe pas de livres ». Les autres, comme Google ou Meta, gardent le silence. C’est aussi la première fois que la société xAI d’Elon Musk est directement visée dans une affaire de ce type.
Cette affaire s’ajoute à une longue liste de litiges en cours (plus de 70 aux USA !) opposant créateurs et IA. Mais avec des noms aussi prestigieux et une stratégie juridique offensive, ce procès pourrait bien marquer un tournant décisif dans la guerre du droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle.








