La vérité sur Schinderhannes

L’histoire criminelle a souvent été marquée par des figures légendaires qui défient le temps. Parmi elles, Johannes Bückler, plus connu sous le nom de Schinderhannes, incarne l’un des hors-la-loi les plus célèbres du Rhin romantique. Sa vie de brigand, marquée par des vols et des extorsions, a pris fin en 1803 par une exécution publique. Ses restes, conservés depuis dans les archives anatomiques de l’université de Heidelberg, ont pendant plus de deux siècles fait l’objet d’une confusion totale. Pourtant, grâce aux dernières avancées scientifiques, une équipe de chercheurs a pu résoudre ce mystère, rétablissant l’identité véritable de Schinderhannes et levant le voile sur une erreur historique vieille de 220 ans.
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Une erreur de deux siècles

En 1803, Schinderhannes et son complice Schwarzer Jonas furent arrêtés puis exécutés par guillotine à Mainz devant une foule impressionnante. Leurs corps furent rapidement récupérés pour des fins scientifiques, une pratique courante à l’époque. Les squelettes des deux criminels furent envoyés à l’université de Heidelberg, où ils prirent place dans les collections anatomiques. Cependant, dès le début du XIXe siècle, un mélange dans l’inventaire des restes a entraîné une confusion quant à leur identification. En 1805, un premier professeur d’anatomie, Jacob Fidelis Ackermann, a inscrit les deux squelettes sous les noms de Schinderhannes et Schwarzer Jonas, mais une mauvaise gestion des archives a engendré des erreurs qui ont persisté jusqu’au XXIe siècle.

Au fil des années, l’incertitude entourant l’identité de ces restes a survécu à travers les générations, jusqu’à ce qu’une équipe internationale décide de résoudre cette énigme à l’aide des technologies modernes.

La science au service de l’histoire criminelle

Pour dénouer cette erreur historique, une équipe de chercheurs dirigée par Sara Doll, anatomiste à l’université de Heidelberg, a entrepris une réattribution minutieuse des restes. Les recherches ont commencé par une analyse approfondie des blessures connues de Schinderhannes, telles que la fracture de son bras dans une dispute avec son complice et celle de sa jambe lors d’une tentative d’évasion à Simmern. Ces détails historiques ont permis aux chercheurs d’identifier un premier indice clé sur le squelette de Schinderhannes, qui présentait ces mêmes fractures.

Les scientifiques ont ensuite utilisé des techniques avancées, notamment des analyses radiologiques et des études géochimiques, pour confirmer leur hypothèse. Ces analyses ont permis de déterminer l’âge, la taille et le sexe des individus, et ont également mis en évidence des traces de stress nutritionnel chez les deux hommes pendant leur enfance. Un squelette a présenté des épaississements osseux caractéristiques des blessures historiques attribuées à Schinderhannes, ce qui a renforcé la thèse du mélange des corps.

Un autre point crucial a été l’analyse isotopique. En étudiant des éléments comme le strontium, le carbone et l’azote dans les dents et les os des restes, les chercheurs ont pu déterminer d’où provenaient les individus. L’un des squelettes, en particulier, correspondait aux conditions géographiques de Schinderhannes, né dans la région du Hunsrück, à l’ouest de l’Allemagne, tandis que l’autre appartenait probablement à Schwarzer Jonas, originaire de Berlin.

La confirmation génétique

Enfin, pour clore l’enquête, les chercheurs ont fait appel à des analyses génétiques approfondies. Le généticien Walther Parson, de l’université d’Innsbruck, a dirigé une équipe qui a extrait et analysé l’ADN mitochondrial et nucléaire des squelettes. Ils ont comparé cet ADN à celui d’un descendant vivant de Schinderhannes. La correspondance génétique était sans équivoque : le squelette précédemment attribué à Schwarzer Jonas était en réalité celui de Schinderhannes.

Les chercheurs ont aussi pu reconstruire l’apparence physique de Schinderhannes grâce à son ADN. Contrairement aux représentations artistiques de l’époque, souvent contradictoires, il avait les yeux bruns, les cheveux foncés, et une peau claire, une description qui correspond à celle de nombreux criminels de l’époque.

Le mystère persiste pour Schwarzer Jonas

Si le mystère autour de l’identité de Schinderhannes a été résolu, celui du second squelette, attribué à Schwarzer Jonas, reste entier. Les analyses ont révélé qu’il n’y avait aucun lien génétique entre ce squelette et celui de Schinderhannes, ni avec les archives historiques. L’hypothèse d’un vol ou d’une erreur de manipulation dans les premières années du XIXe siècle reste une possibilité. Le squelette de Schwarzer Jonas semble aujourd’hui disparu, et il n’est pas certain qu’il puisse un jour être retrouvé.

Un mystère résolu grâce à la science moderne

Aujourd’hui, les restes de Schinderhannes ont été retirés de l’exposition permanente pour des raisons de conservation, mais les visiteurs peuvent toujours observer sa réplique ainsi qu’une représentation artistique dans l’exposition de l’université de Heidelberg. Cette réidentification scientifique offre une occasion unique de revisiter l’histoire criminelle du Rhin romantique à travers les avancées de la science médico-légale. Elle souligne également l’importance des nouvelles technologies dans l’étude des mystères historiques et dans la correction des erreurs du passé.

Ainsi, après plus de deux siècles, la science a enfin permis de rendre à Schinderhannes son identité et de corriger l’une des plus grandes erreurs d’identification de l’histoire criminelle.

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