Cette déclaration s’inscrit dans une stratégie plus large, déjà marquée par des mesures protectionnistes contre des secteurs clés comme l’automobile, les semi-conducteurs ou encore les minerais rares. Désormais, le 7e art devient un terrain de conflit commercial et idéologique.
Hollywood accusé de perdre son âme
Donald Trump ne mâche pas ses mots. Selon lui, Hollywood est en train de s’effondrer, déstabilisé par une concurrence étrangère jugée déloyale. Il pointe notamment les incitations fiscales offertes par certains pays qui attireraient les tournages hors du territoire américain.
Dans son message, il évoque une menace pour la sécurité nationale, estimant que cette fuite de la production cinématographique serait un acte coordonné par des gouvernements étrangers pour affaiblir les États-Unis, non seulement économiquement, mais aussi culturellement.
Le cinéma américain est confronté depuis des années à une concurrence internationale de plus en plus agressive. Des pays comme le Canada, le Royaume-Uni, la Hongrie ou la Thaïlande proposent des avantages fiscaux massifs pour attirer les productions. Résultat : de plus en plus de blockbusters sont tournés à l’étranger, même s’ils sont estampillés « made in Hollywood ».
Une étude récente du Hollywood Reporter montre que plus aucun lieu de tournage américain ne figure dans le top 5 des destinations préférées des producteurs. Toronto, Londres ou encore l’Europe centrale passent devant Los Angeles ou New York, longtemps considérées comme les capitales du cinéma mondial.
Des mesures floues, mais des impacts bien réels
À ce stade, les modalités d’application de cette taxe de 100 % restent très floues. On ne sait pas encore si elle concernera tous les films sans exception, s’il y aura des seuils de budget, ou encore si les coproductions seront visées.
Mais le simple fait de menacer les importations de films étrangers suffit à faire trembler une partie du secteur. La Motion Picture Association (MPA), qui représente les intérêts des studios américains, n’a pas encore réagi officiellement, mais les conséquences sur la circulation des œuvres audiovisuelles pourraient être énormes.
La Chine, deuxième marché mondial du cinéma, réduit déjà le nombre de films américains autorisés dans ses salles. Un choix politique assumé, qui répond directement aux politiques tarifaires de Washington. Pékin applique un système de quotas stricts, ce qui limite déjà l’accès des studios hollywoodiens à ce marché ultra-lucratif.
En réponse, la stratégie américaine pourrait provoquer une nouvelle vague de rétorsions commerciales. Pour Hollywood, cela représenterait des pertes colossales, car une partie de leurs recettes dépend justement des entrées internationales.
Un secteur fragilisé par les crises successives
Le moment choisi par Donald Trump n’est pas anodin. L’industrie du cinéma aux États-Unis est encore secouée par la pandémie, qui a stoppé net de nombreuses productions pendant des mois. Les grèves historiques des scénaristes et des acteurs en 2023 ont aussi ralenti le rythme, tout comme la montée en puissance des plateformes de streaming, qui bousculent les modèles classiques.
D’après les chiffres de l’institut ProdPro, les dépenses de production aux États-Unis ont chuté de 26 % en deux ans. Même en Californie, la capitale historique du cinéma, la dynamique est à la baisse. Des villes comme Atlanta ou Albuquerque tirent leur épingle du jeu grâce à des crédits d’impôt très avantageux.
Certains applaudissent cette volonté de relocaliser l’industrie cinématographique, d’autres y voient une attaque contre la diversité culturelle et l’ouverture internationale. L’annonce de Trump soulève aussi des questions juridiques et diplomatiques : peut-on réellement freiner les importations de films sans violer les accords internationaux en vigueur ?
Pour beaucoup de jeunes Américains, qui consomment désormais du contenu sur Netflix, YouTube, ou TikTok, la nationalité d’un film ou d’une série n’est plus un critère de choix. Ce qui compte, c’est la créativité, le style, les histoires racontées. Une taxe de 100 % pourrait donc surtout pénaliser les spectateurs.
Vers une redéfinition du « made in America » ?
Trump promet un retour à une production 100 % américaine, mais la réalité du cinéma moderne est plus complexe. La majorité des films sont des coproductions internationales, qui mélangent talents, lieux de tournage et financements venus de plusieurs pays. Dans ce contexte, définir ce qui est « américain » devient flou.
Au lieu de protéger Hollywood, cette mesure pourrait donc accélérer sa marginalisation, en la coupant des circuits mondiaux. Mais pour Trump, le symbole reste fort : refaire du cinéma un bastion nationaliste, au même titre que l’acier, l’automobile ou l’électronique.