Une réponse directe à des décennies de silence
Devant les caméras de l’émission Complément d’enquête sur France 2, Élisabeth Borne a exprimé sa volonté de briser l’omerta dans une partie de l’enseignement privé. Selon elle, « il n’y a pas eu de contrôles pendant des décennies » malgré un financement public de près de 10 milliards d’euros par an. Un déséquilibre qu’elle entend corriger rapidement.
En mars, la ministre avait présenté le plan Brisons le silence, centré sur la lutte contre les violences scolaires. Il prévoit notamment le renfort des équipes académiques avec 60 inspecteurs supplémentaires répartis entre 2025 et 2026, ainsi que l’objectif ambitieux d’inspecter 40 % des établissements privés sous contrat en deux ans.
Une surveillance accrue des faits de violence
Ce plan introduit aussi une nouveauté majeure : la remontée automatique des signalements de violences. Contrairement à l’époque où certains faits restaient étouffés ou ignorés, toutes les situations devront désormais faire l’objet d’un traitement administratif et judiciaire. Une mesure rendue indispensable par les révélations liées aux agissements passés dans des institutions comme Notre-Dame de Bétharram.
Un enseignement catholique sous tension
Sur les environ 7 500 établissements privés sous contrat en France, une immense majorité est affiliée à l’enseignement catholique. Ces structures bénéficient d’un statut hybride : elles appliquent les programmes de l’Éducation nationale mais conservent une autonomie importante dans la gestion de leur personnel et de leur projet pédagogique.
Le ministère cherche aujourd’hui à établir un équilibre entre autonomie pédagogique et exigence républicaine. De nombreuses voix, y compris au sein des syndicats enseignants et des associations de parents d’élèves, demandaient depuis longtemps une meilleure supervision de ces établissements, souvent considérés comme à l’abri des regards de l’État.
François Bayrou dans la tourmente
Interrogée sur le rôle de l’ancien ministre de l’Éducation, devenu premier ministre, Élisabeth Borne a pris sa défense, affirmant que « s’il a fait preuve de négligence, alors tous ses successeurs ont fait preuve de négligence ». Elle a tout de même marqué une divergence de vue, notamment sur la question des châtiments corporels. Bayrou avait qualifié une gifle donnée à un enfant de « tape de père de famille » ; la ministre a tranché : « Il n’y a pas de tape éducative. »
Une réforme qui va plus loin que Bétharram
Si l’affaire Bétharram a servi de déclencheur, les objectifs du plan vont bien au-delà. Il s’agit de rétablir la confiance dans tout le système éducatif, qu’il soit public ou privé. Les contrôles porteront aussi bien sur les conditions d’enseignement que sur le respect des protocoles de sécurité, la prévention des abus ou encore les pratiques pédagogiques.
En imposant ce nouveau cadre de contrôle, le gouvernement cherche à rassurer les familles. Nombre de parents inscrivent leurs enfants dans le privé en pensant les protéger d’un système public jugé plus violent. Or, les récentes révélations montrent que les risques ne sont pas toujours là où on les attend.
Et après les inspections ?
Selon les services de l’Éducation nationale, les premiers rapports issus des 500 contrôles déjà effectués montrent des situations très contrastées. Certaines structures respectent pleinement les règles, d’autres affichent des manquements graves. Des sanctions administratives pourront être prononcées, voire des signalements au parquet en cas d’infractions pénales.
La campagne d’inspection va se poursuivre tout au long de l’année 2025, avec des retours attendus dès le printemps pour les premiers bilans publics.