Une minute de silence qui fait polémique
Tout a commencé au lycée Janot-Curie de Sens, dans l’Yonne, lorsque des élèves ont souhaité observer un moment de silence pour les civils morts dans la bande de Gaza. L’enseignante, présente ce jour-là, a accepté leur proposition. L’événement aurait eu lieu le 26 mars 2025, peu après la reprise des hostilités entre Israël et le Hamas.
Cette action a rapidement été signalée au rectorat de Dijon. Résultat : suspension immédiate de l’enseignante, puis ouverture d’une procédure disciplinaire. Une décision qui a surpris une partie du personnel éducatif, mais aussi de nombreux parents d’élèves.
Un blâme, mais une réintégration
Après plusieurs semaines d’incertitude, la sanction est tombée. La professeure a reçu un blâme, ce qui correspond à la sanction la plus légère dans la fonction publique. Elle est cependant autorisée à retourner dans son établissement à partir du vendredi 6 juin.
Le rectorat estime que l’enseignante a pris part à un acte politiquement marqué.
« En organisant une minute de silence pour Gaza, elle a dépassé la liberté pédagogique qui lui est accordée », indique le communiqué officiel.
Pour l’administration, cela constitue une prise de position dans un conflit géopolitique complexe.
Le principe de neutralité au cœur du débat
Selon les textes en vigueur, les enseignants doivent respecter un devoir de réserve et de neutralité politique dans le cadre scolaire. Seules les commémorations nationales peuvent faire l’objet de minutes de silence officielles. Ce principe a été rappelé par la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, qui a affirmé que
parler du conflit, c’est possible, mais pas y prendre parti
Mais pour une partie du corps enseignant, la réaction du rectorat est disproportionnée.
« Il ne s’agit pas d’un engagement politique, mais d’un hommage humain », insiste Lucas Romain, du syndicat Snudi-FO.
La colère des syndicats ne retombe pas, malgré la légèreté apparente de la sanction.
Une mobilisation encore active
Le cas de cette professeure a suscité une mobilisation locale puis nationale. Manifestations devant l’établissement, communiqués de syndicats, interventions dans les médias : de nombreux enseignants estiment que leur liberté pédagogique est en danger.
« Défendre les droits humains ne devrait pas être sanctionné », a déclaré Jérôme Courtois de Sud Éducation.
Il ajoute que cette affaire crée un climat de peur dans les établissements, alors même que les enseignants sont régulièrement encouragés à aborder les sujets d’actualité avec leurs élèves.
Deux versions opposées
Du côté du rectorat, la version est claire : l’enseignante aurait été à l’initiative de la minute de silence, ce qui constitue une entorse à la neutralité. Mais pour l’intersyndicale FO-FSU-CGT-SUD, ce sont les élèves eux-mêmes qui ont proposé cette initiative, lors d’une pause et sans pression.
L’enseignante, qui a choisi de rester anonyme, a déclaré qu’elle ne regrette pas d’avoir accepté la demande des élèves. Elle conteste cependant les termes employés dans la lettre de sanction, les jugeant humiliants et injustes.
Des élèves solidaires
Certains lycéens ont exprimé leur solidarité avec la professeure. Ils affirment avoir ressenti le besoin de rendre hommage aux victimes civiles, indépendamment des appartenances politiques ou religieuses. Un élève de terminale confie :
C’était juste un moment de silence. Pas un discours, pas un slogan.
Pour ces jeunes, le geste n’avait rien de polémique. Il s’agissait d’un acte de respect et d’humanité. Une vision partagée par plusieurs enseignants du lycée, qui s’interrogent désormais sur ce qu’il est encore possible de faire ou de dire dans une salle de classe.








