Énergie : la facture de l’État explose, le suivi des données reste peu fiable

Alors que l’État affiche des ambitions fortes pour réduire son empreinte carbone, sa propre consommation d’énergie pose question. La Cour des comptes révèle une explosion de la facture énergétique, couplée à un manque de fiabilité criant dans le suivi des données. Un décalage préoccupant entre les discours sur la transition écologique et la réalité de la gestion publique.
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Une facture énergétique qui dépasse les 2 milliards d’euros

Entre 2018 et 2023, les dépenses énergétiques de l’État ont bondi de 1,36 à 2,23 milliards d’euros, selon le rapport publié par la Cour des comptes en juillet 2025. Même si une baisse à 1,69 milliard est notée en 2024, elle ne reflète qu’un répit temporaire face à une dynamique globale à la hausse.

Cette facture couvre l’ensemble des consommations énergétiques des administrations centrales, y compris les ministères et leurs services déconcentrés, pour l’électricité, le gaz, le fioul, les carburants et les réseaux de chaleur.

Ce dérapage budgétaire n’est pas uniquement lié à la surconsommation. Les prix de l’énergie ont explosé sur les marchés, notamment en raison de la crise ukrainienne, de la reprise post-Covid et des difficultés dans le secteur nucléaire français. Entre 2018 et 2023, le coût moyen du mégawattheure pour l’État est passé de 107 € à 241 €.

Des objectifs climatiques menacés par un pilotage flou

La France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030, par rapport à 1990. L’État, en tant qu’acteur public, vise lui une baisse de 22 % de ses propres émissions d’ici 2027. Mais la Cour des comptes alerte : les outils de suivi ne sont pas à la hauteur de ces ambitions.

Le rapport dévoile des écarts parfois énormes entre les chiffres de consommation déclarés par les ministères et ceux enregistrés par la direction des achats de l’État. Par exemple :

En 2023, le ministère de l’Intérieur a déclaré une consommation de gaz de 605 200 MWh, contre 836 240 MWh enregistrés par la DAE. Soit un écart de +38 %.

Ce manque d’harmonisation rend les analyses très incertaines, et empêche de tirer des conclusions fiables sur les efforts réels fournis.

Un paradoxe entre sobriété affichée et dérive budgétaire

Malgré cette explosion de la facture, certains indicateurs montrent que les consommations en volume ont légèrement baissé. Entre 2018 et 2023, les consommations de gaz ont chuté de 24 %, le fioul de 32 %, et l’électricité de 6 % dans les bâtiments publics.

Ces efforts sont noyés par l’augmentation des prix unitaires. La consommation baisse, mais la facture grimpe. La stratégie de sobriété énergétique a donc surtout permis de limiter la casse, pas de faire de vraies économies.

L’exemple criant de la faillite d’un fournisseur

En 2021, la faillite du fournisseur Hydroption, qui détenait plusieurs marchés publics d’électricité, a révélé la fragilité de la stratégie d’achat de l’État. Ce dernier a dû racheter de l’énergie en urgence sur les marchés à des prix exorbitants.

« Cette crise a obligé l’État à revoir en profondeur sa stratégie d’achat, en intégrant plus de résilience et moins de dépendance aux seuls prix bas », indique la Cour.

Ce changement tardif n’a pas suffi à compenser l’explosion des coûts.

Un pilotage à revoir en profondeur

La Cour pointe une autre faiblesse : aucun outil centralisé ne permet aujourd’hui de suivre efficacement la consommation énergétique de l’État. Chaque ministère utilise ses propres méthodes, sans coordination ni standardisation.

La quasi-totalité des administrations ne disposent d’aucun indicateur de performance environnementale. Résultat : impossible de savoir si une rénovation de bâtiment ou un changement de source d’énergie a réellement permis de consommer moins ou de faire baisser les émissions.

Des recommandations pour éviter de naviguer à l’aveugle

Parmi ses recommandations, la Cour propose de créer un réseau de gestionnaires énergie dans les administrations, capables d’analyser, suivre et anticiper les besoins. Cette mission pourrait être coordonnée par le Commissariat général au développement durable.

Pour que l’État puisse incarner une politique crédible de transition énergétique, il doit mieux piloter sa propre consommation. La transparence, la fiabilité et la réactivité doivent être au cœur de cette évolution. Sans quoi, les objectifs climatiques risquent de rester de simples slogans.

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