La Ville de Paris poursuit ses efforts pour répondre à la crise du logement. Entre 2023 et 2024, près d’un milliard d’euros ont été investis pour l’acquisition et la préemption de biens immobiliers, permettant la création de plus de 2 000 logements sociaux. Cet investissement s’inscrit dans une stratégie ambitieuse visant à atteindre 40 % de logements publics d’ici 2035, dont 30 % de logements sociaux locatifs et 10 % de logements abordables.
Cette politique repose sur une stratégie d’acquisition massive. Les bailleurs sociaux comme Paris Habitat, RIVP et Elogie-Siemp jouent un rôle clé, soutenus par des subventions municipales en constante augmentation.
Des acquisitions stratégiques pour diversifier l’offre
Selon une étude réalisée par le cabinet Newmark, 82 % des acquisitions réalisées par la Ville et ses bailleurs sociaux entre 2023 et 2024 ont été des préemptions. Cette méthode consiste à racheter des biens privés avant leur mise sur le marché libre. Parmi ces acquisitions, plusieurs immeubles incluent des commerces en rez-de-chaussée, permettant de financer en partie la création de logements sociaux. Paris Habitat, par exemple, génère près de 68 millions d’euros de revenus annuels grâce à ses locaux commerciaux.
Les acquisitions se concentrent souvent dans des quartiers où le déficit en logements sociaux est important. Les prix élevés de ces zones, comme l’avenue George-V dans le VIIIᵉ arrondissement, témoignent de la volonté de la municipalité de favoriser la mixité sociale dans les secteurs les plus huppés de la capitale.
Le financement des acquisitions : entre subventions et dette
Pour soutenir ces achats, la Ville de Paris a augmenté ses subventions aux bailleurs sociaux, passant de 126 millions d’euros en 2023 à 150 millions en 2024. Ces fonds permettent aux bailleurs d’acquérir des biens tout en respectant leur équilibre financier. Toutefois, cette politique a un coût élevé pour la municipalité, qui fait face à une dette croissante, désormais estimée à 10 milliards d’euros.
En parallèle, la Ville a mis en place des mécanismes pour inciter d’autres acteurs, comme CDC Habitat et I3F, à investir dans le logement social, avec des acquisitions totalisant 110 millions d’euros sur la même période.
Des objectifs ambitieux pour 2035
En 2023, Paris a atteint un taux de 25,5 % de logements sociaux, dépassant ainsi les exigences de la loi SRU. Cependant, la municipalité ne compte pas s’arrêter là. Elle vise désormais 40 % de logements publics d’ici 2035, avec une attention particulière portée aux logements abordables pour les classes moyennes.
Pour atteindre cet objectif, Paris a adopté un Plan Local d’Urbanisme (PLU) bioclimatique, incluant des mesures telles que :
- Des emplacements réservés pour les HLM.
- Un renforcement de la mixité sociale dans les nouveaux projets immobiliers.
- La création d’une Foncière logement abordable, destinée à acquérir des immeubles pour proposer des loyers modérés.
Cette nouvelle structure devrait permettre la création de 350 logements abordables par an, avec une capacité d’investissement estimée à 120 millions d’euros par an.
La stratégie d’acquisition massive de la Ville de Paris a des répercussions sur le marché immobilier local. En réduisant l’offre de logements privés, elle contribue à une augmentation des prix et des loyers, notamment pour les classes moyennes, qui peinent à se loger dans la capitale. Certains experts craignent que cette politique ne pousse ces populations à quitter Paris, augmentant ainsi leur dépendance au logement social.
Par ailleurs, les critiques se multiplient sur la capacité de la municipalité à financer cette politique sans aggraver sa dette. Avec une augmentation de +52 % de la taxe foncière en 2024, les Parisiens financent indirectement ces acquisitions, au risque de rendre le coût de la vie encore plus élevé.
Malgré les défis, la politique de logement social de Paris témoigne d’une volonté de répondre à la crise du logement tout en renforçant la mixité sociale. Si elle soulève des questions sur sa durabilité financière, cette stratégie illustre un choix politique fort : celui de faire de Paris une ville accessible à tous, au-delà des clivages économiques et sociaux.