Pour le gouvernement chinois, frapper Boeing, c’est viser un emblème du savoir-faire industriel américain. L’entreprise, qui exporte près de deux tiers de ses avions hors des États-Unis, est aujourd’hui directement menacée dans son accès au plus grand marché aérien du monde.
Une décision aux conséquences économiques lourdes
Les autorités chinoises ont ordonné à leurs compagnies – dont Air China, China Southern et China Eastern – de geler la réception de 179 appareils prévus entre 2025 et 2027. Cela représente un manque à gagner estimé à plus de 2,5 milliards de dollars pour Boeing.
Le constructeur américain, déjà affaibli par plusieurs scandales techniques et deux crashs meurtriers du 737 MAX, voit là un nouveau coup dur dans un marché stratégique. Les actions du groupe ont chuté de 3 % à Wall Street suite à ces annonces.
Trump durcit le ton, Pékin réplique
Donald Trump a imposé une taxe de 145 % sur les produits chinois, relancé dans sa croisade contre le « vol de technologies américaines ». En réponse, la Chine a appliqué des droits de douane de 125 % sur les importations venues des États-Unis.
Sur son réseau Truth Social, l’ex-président a affirmé que la Chine s’est rétractée sur un accord majeur avec Boeing. Il accuse directement Pékin de nuire à l’économie américaine pour peser sur les élections à venir.
Airbus et Comac en embuscade
Avec le retrait de Boeing, Airbus pourrait renforcer sa présence en Chine. Le constructeur européen dispose d’une ligne d’assemblage à Tianjin et déjà de nombreux contrats avec les compagnies chinoises.
Mais Pékin compte aussi sur le Comac C919, son propre avion moyen-courrier. Encore en phase de lancement, il pourrait devenir un concurrent sérieux si la Chine parvient à réduire sa dépendance aux composants américains. Une tâche complexe, car même le C919 contient encore de nombreuses pièces venues des États-Unis.
Un choc pour l’industrie aéronautique mondiale
Les conséquences de cette crise dépassent le simple cadre commercial. Livrer un avion, c’est aussi garantir l’emploi de milliers de travailleurs sur la chaîne d’assemblage, dans les bureaux d’études et les usines de sous-traitants.
En coupant les commandes, la Chine frappe au cœur de l’écosystème industriel américain, et touche indirectement les partenaires internationaux de Boeing. Plusieurs fournisseurs européens sont aussi affectés par cette décision.
Depuis 2019, les relations entre Boeing et la Chine se sont détériorées. En six ans, seulement 28 commandes ont été enregistrées contre 122 les deux années précédentes. Les livraisons avaient timidement repris en 2024, mais cet épisode remet tout en cause.
La Maison Blanche affirme que la balle est dans le camp de la Chine. Mais pour Boeing, le temps presse. Chaque appareil non livré est un revenu en moins, dans un secteur où les marges sont fragiles et les dettes colossales.
Si rien ne change, l’avionneur pourrait perdre son influence sur le plus grand marché du monde au profit de ses rivaux. Et l’affrontement entre deux puissances mondiales pourrait bien redessiner l’équilibre de l’aérien pour les années à venir.