Etait-ce la Cène ou le Festin des dieux aux JO 2024 ?

cene banquet baccus

La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, orchestrée par Thomas Jolly, a déclenché une vive controverse. Une scène en particulier, mettant en vedette le chanteur Philippe Katerine, a suscité des réactions passionnées.

Mais que représentait réellement cette scène : une parodie de la Cène ou une évocation du Festin des Dieux ?

La Cène : un symbole Chrétien

La Cène, ou le dernier repas du Christ avec ses douze apôtres, est un thème profondément ancré dans l’iconographie chrétienne. La représentation la plus célèbre est sans doute la fresque de Léonard de Vinci, réalisée entre 1495 et 1498. Ce dîner symbolise un moment crucial avant la Crucifixion du Christ, et son importance religieuse et culturelle est immense.

Lors de la cérémonie d’ouverture des JO, certains spectateurs ont cru voir une parodie de cette scène sacrée. Philippe Katerine, peint en bleu et quasiment nu, entouré de figures colorées et excentriques, dont plusieurs drag-queens, a choqué une partie du public. La Conférence des évêques de France a dénoncé ce qu’elle considère comme une moquerie envers le christianisme. La disposition des personnages, regroupés autour d’une table, a rappelé à beaucoup la composition classique de la Cène, bien que les éléments traditionnels comme les plats et les boissons manquaient.

Le Festin des Dieux : une célébration Païenne

Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie, a cependant défendu sa vision en expliquant que son inspiration venait plutôt de la mythologie grecque. Il a affirmé que la scène représentait Dionysos, le dieu grec de la fête et du vin, aussi connu sous le nom de Bacchus chez les Romains. Philippe Katerine, avec sa nudité, sa couronne de pampres et de fleurs, incarnait ce dieu festif.

Dionysos est souvent associé à des banquets et des scènes de débauche, entouré de bacchantes et de satyres, comme on le voit dans de nombreuses œuvres d’art européennes. La chanson interprétée par Philippe Katerine faisait référence à cette iconographie, renforçant l’idée d’une grande fête païenne plutôt que d’un repas sacré chrétien.

« Je crois que c’était assez clair, il y a Dionysos qui arrive sur cette table. Il est là, pourquoi ? parce qu’il est dieu de la fête, du vin, et père de Sequana, déesse reliée au fleuve » de la Seine. « L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe, l’Olympisme ». Thomas JOlly

Quel était le tableau présenté aux JO 2024 ?

La réception de cette scène a été diverse. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont exprimé leur indignation, tandis que d’autres ont défendu l’approche artistique de Jolly. Pour certains, la ressemblance avec la Cène était frappante en raison de la disposition des personnages autour d’une table. D’autres y ont vu une claire évocation du Festin des Dieux, notamment grâce aux attributs de Philippe Katerine et à l’ambiance générale de la scène.

La confusion entre les deux interprétations met en lumière la complexité de l’interprétation artistique. L’art est souvent polysémique, permettant diverses lectures en fonction du contexte culturel et des attentes des spectateurs. Pour Thomas Jolly, l’intention était de célébrer la diversité et l’inclusivité, de créer une fête universelle plutôt qu’une moquerie religieuse.

Le concept d’intertextualité, développé par Gérard Genette, est pertinent ici. Il désigne les relations entre différents textes (ou œuvres), qu’elles soient explicites ou implicites. La scène de « Festivité » peut être vue comme une œuvre dialoguant avec d’autres œuvres d’art, que ce soit la Cène de Léonard de Vinci ou les représentations du Festin des Dieux.

Cette approche intertextuelle aide à comprendre pourquoi certains spectateurs ont vu une référence à la Cène, tandis que d’autres ont perçu une allusion aux fêtes païennes. L’interprétation d’une œuvre dépend souvent des connaissances et des expériences personnelles de chaque spectateur, rendant chaque lecture unique.

La polémique autour de cette scène a eu des répercussions significatives. D’une part, elle a attiré une attention médiatique considérable, mettant en lumière la cérémonie d’ouverture et suscitant des débats sur la liberté artistique et le respect des croyances religieuses. D’autre part, elle a illustré les tensions entre différentes visions de l’art et de la culture.

Le Musée Magnin de Dijon, où est conservé le tableau « Le Festin des Dieux » de Jan Harmensz van Bijlert, a vu un regain d’intérêt. La fréquentation du musée a augmenté, les visiteurs étant curieux de voir de leurs propres yeux l’œuvre mentionnée dans le débat.

Umberto Eco, dans son concept d’œuvre ouverte, explique que l’interprétation d’une œuvre n’est pas fixe mais plutôt interactive, permettant diverses significations. Une œuvre artistique est conçue pour être polysémique, laissant le spectateur combler les blancs et interpréter les ambiguïtés.

Dans le cas de la scène de « Festivité », cette ouverture a permis une pluralité de significations, coexistant et s’enrichissant mutuellement. L’ambiguïté de la scène n’était pas un défaut, mais une caractéristique essentielle qui a enrichi l’expérience esthétique.

La scène « Festivité » de la cérémonie d’ouverture des JO 2024, qu’elle soit interprétée comme une référence à la Cène ou au Festin des Dieux, démontre la puissance de l’art à susciter des émotions et des discussions. Thomas Jolly a peut-être voulu créer une grande fête païenne, mais les réactions montrent que les symboles religieux et culturels restent profondément enracinés et sensibles.

Cette controverse rappelle que l’art, en jouant avec les références et les symboles, peut à la fois unir et diviser. Il appartient à chaque spectateur de naviguer entre ces interprétations, en cherchant à comprendre les intentions de l’artiste tout en respectant les sensibilités de chacun.

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