La GPA réservée aux femmes confrontées à l’infertilité médicale
Dans ce nouveau cadre législatif, seules les femmes—qu’elles soient célibataires ou en couple—pourront avoir recours à une mère porteuse. Et encore, uniquement si elles peuvent prouver qu’elles sont médicalement incapables de porter un enfant. L’article 1350 du Code civil grec, qui encadre le droit de la famille, sera modifié en ce sens.
Le ministre a justifié cette mesure en expliquant que l’incapacité à mener une grossesse ne pouvait plus être interprétée comme incluant les hommes. Il a précisé :
L’incapacité de concevoir liée au sexe ne constitue pas une condition médicale.
Une décision politique très encadrée
L’annonce s’inscrit dans un projet de loi plus large baptisé Protection judiciaire et autres dispositions, qui englobe également d’autres changements comme la suppression des délais de prescription réduits pour les infractions ministérielles. Le gouvernement cherche à verrouiller légalement la question de la GPA afin d’éviter que des recours judiciaires contradictoires ne viennent perturber le système. Jusqu’ici, certains couples d’hommes avaient pu porter leur cas devant les tribunaux, parfois avec succès.
En 2022, un tribunal de Corinthe avait validé la démarche d’un homme célibataire souffrant d’un problème de santé, lui permettant d’avoir recours à une mère porteuse. Cette décision, pourtant définitive, n’a jamais été appliquée. Aujourd’hui, avec cette réforme, la porte est définitivement fermée à toute interprétation favorable.
Un revers pour les droits LGBT+ en Grèce
Cette interdiction arrive à peine un an après la légalisation du mariage homosexuel, une avancée historique dans un pays à majorité chrétienne orthodoxe, souvent conservateur. En février 2024, la Grèce devenait le premier pays orthodoxe à reconnaître le mariage pour tous. Un progrès salué à l’époque par de nombreuses associations LGBT+.
Mais cette nouvelle décision est perçue comme un retour en arrière. Les associations de défense des droits des personnes LGBT+ dénoncent une discrimination flagrante. Pour Elena Olga Christidi, cofondatrice de l’organisation Orlando LGBT+, la réforme ne vise qu’à satisfaire une frange conservatrice et homophobe de l’opinion publique.
« Le ministre rend maintenant cette exclusion des couples d’hommes mariés clairement explicite, simplement pour apaiser des opinions homophobes et conservatrices. »
Cette réforme ne sort pas de nulle part. Elle intervient dans un contexte où le gouvernement conservateur cherche à renforcer son autorité juridique, après plusieurs affaires judiciaires très médiatisées. Parmi elles, la catastrophe ferroviaire de Tempé, qui a provoqué un tollé national et mis la question de la responsabilité politique au cœur du débat public.
Avec ce projet de loi, le ministre Floridis entend aussi renforcer les pouvoirs des procureur·es d’appel, qui pourront désormais contester certaines décisions des juges d’instruction, comme une libération sous condition.
Une réforme critiquée par le monde juridique
Les critiques ne viennent pas seulement des mouvements LGBT+. Des juristes et des avocats pointent du doigt une atteinte au principe d’égalité inscrit dans la Constitution grecque. Me Nikos Roussopoulos, avocat pénaliste, estime que cette exclusion des hommes est injustifiable juridiquement :
« On ne peut pas accorder ce droit aux femmes et le refuser aux hommes sous prétexte que cela arrange l’État. »
Des contestations à venir au niveau européen ?
Le débat juridique ne semble pas terminé. Plusieurs recours pourraient être déposés, notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). L’exclusion explicite des couples homosexuels masculins et des hommes célibataires pourrait être perçue comme une violation des droits fondamentaux, notamment en matière de non-discrimination.
Alors que des pays comme la France, le Portugal ou encore la Belgique encadrent strictement ou interdisent totalement la GPA, les règles varient énormément en Europe. Certains pays l’autorisent pour tous, d’autres uniquement pour des raisons médicales, et certains interdisent toute forme de gestation pour autrui.
La Grèce se retrouve dans une position paradoxale : d’un côté, elle a ouvert le mariage à tous, de l’autre, elle ferme l’accès à la parentalité à une partie de la population. Pour les associations, cette fracture entre reconnaissance symbolique et droits réels révèle une stratégie politique de compromis, jouant sur les symboles mais limitant les avancées concrètes.
L’avenir dira si cette réforme résistera aux pressions sociales, juridiques et européennes, ou si elle marquera une pause brutale dans le combat pour l’égalité des droits en Grèce.
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