Ce jeudi 7 novembre 2024, un incident diplomatique a éclaté entre la France et Israël lors de la visite officielle du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Jérusalem. Alors qu’il devait se rendre sur le site de l’Eléona, propriété française située sur le mont des Oliviers, des gendarmes français ont été interpellés par la police israélienne sur ce domaine national, une situation que la France considère comme inacceptable.
L’arrestation des gendarmes sur le site de l’Eléona
L’Eléona, situé au sommet du mont des Oliviers à Jérusalem, est un domaine national français depuis le XIXe siècle. Ce site de pèlerinage chrétien abrite la grotte du Pater, un lieu sacré où Jésus aurait enseigné le “Notre Père” à ses disciples. Depuis plus de 150 ans, ce lieu fait partie des quatre domaines sous protection diplomatique française en Israël, aux côtés du Tombeau des rois, de la basilique Sainte-Anne et de l’ancienne commanderie croisée d’Abou Gosh.
Après le départ de Jean-Noël Barrot, des policiers israéliens sont entrés sur le site armés, sans autorisation française, selon le ministre. Ils ont rapidement interpellé deux gendarmes français présents sur place, qui avaient tenté de s’opposer à l’entrée des agents israéliens. Dans une vidéo diffusée par des journalistes présents, on voit l’un des gendarmes crier « Ne me touche pas ! » alors qu’il est plaqué au sol puis emmené de force par les autorités israéliennes.
Les deux agents ont été relâchés peu après. Un responsable de la police israélienne a déclaré que les gendarmes n’avaient pas présenté leur carte diplomatique, ce qui aurait justifié leur arrestation. Les représentants français sur place ont cependant précisé que les agents avaient déjà établi leur identité auprès des policiers israéliens bien avant cet incident.
Jean-Noël Barrot dénonce une “situation inacceptable”
Jean-Noël Barrot, outré par la situation, a décidé de refuser d’entrer dans le domaine de l’Eléona en raison de la présence de forces israéliennes armées. Il a déclaré devant la presse que « cette atteinte à l’intégrité d’un domaine placé sous la responsabilité de la France est de nature à fragiliser les liens que j’étais pourtant venu cultiver avec Israël ».
L’ambassadeur d’Israël à Paris, Joshua Zarka, sera convoqué par le Quai d’Orsay pour évoquer cet incident. Le ministre a souligné l’importance de maintenir des relations diplomatiques basées sur le respect de la souveraineté, surtout en ces temps où des efforts sont déployés pour favoriser la paix dans la région.
Les réactions des autorités israéliennes et française
La police israélienne a affirmé que les deux gendarmes interpellés avaient refusé l’accès du site aux agents israéliens qui assuraient la sécurité du ministre français. Selon le ministère israélien des Affaires étrangères, toutes les procédures de sécurité avaient été clarifiées à l’avance avec l’ambassade de France, assurant qu’il n’y avait aucune intention de provoquer un incident diplomatique.
Du côté français, ces explications sont qualifiées de “mensongères”. Des sources diplomatiques françaises rapportent que la France avait spécifié à plusieurs reprises qu’aucune sécurité armée israélienne ne serait autorisée sur ce site. Elles soutiennent que les autorités israéliennes ont agi en toute connaissance de cause, notamment après la clarification du statut diplomatique des gendarmes français présents sur le site.
Le contexte historique des domaines français en Israël
La France dispose de quatre domaines nationaux situés à Jérusalem et ses environs : l’Eléona, la basilique Sainte-Anne, le Tombeau des rois et l’ancienne commanderie d’Abou Gosh. Ces domaines, acquis pour la plupart au XIXe siècle, sont placés sous la protection diplomatique de la France et doivent être préservés de toute intervention armée sans autorisation préalable.
Ces sites sont d’une importance historique et religieuse considérable, attirant chaque année de nombreux pèlerins. Pour les autorités françaises, toute atteinte à leur intégrité est considérée comme une atteinte à la souveraineté et aux relations bilatérales entre la France et Israël.
Ce n’est pas la première fois qu’un incident survient lors de la visite d’un représentant français à Jérusalem. En 1996, le président Jacques Chirac avait protesté vigoureusement contre les soldats israéliens qui le suivaient de trop près, lançant « Do you want me to go back to my plane ? » lors de sa visite à la basilique Sainte-Anne. Plus récemment, en janvier 2020, le président Emmanuel Macron avait également été impliqué dans une altercation avec des forces de sécurité israéliennes au même endroit.
Ces incidents mettent en lumière les tensions récurrentes entre la France et Israël concernant la gestion de ces sites sous protection française.
Les réactions politiques en France
L’incident a suscité de fortes réactions en France, notamment du côté de La France insoumise (LFI), dont le leader Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un acte d’intimidation inacceptable. Il a écrit sur X (anciennement Twitter) : « À Jérusalem, Netanyahou n’a rien à faire sur le territoire sous responsabilité de la France. » Cette réaction met en évidence la sensibilité de la gauche française vis-à-vis des tensions diplomatiques impliquant Israël.
Le Parti communiste français et plusieurs autres personnalités politiques de gauche ont également critiqué ce qu’ils considèrent comme une violation de la souveraineté française.
D’autres personnalités politiques, comme la députée Renaissance Brigitte Klinkert, ont également exprimé leur soutien au ministre Barrot et ont condamné le traitement des agents diplomatiques français par les autorités israéliennes. Cédric Perrin, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a déclaré que cet incident alimente les tensions dans un contexte nécessitant l’apaisement.
Les implications pour les relations franco-israéliennes
Cet incident survient dans un contexte de tensions croissantes entre la France et Israël. Les domaines français en Israël sont des symboles de l’engagement diplomatique français dans la région, et leur protection est une question sensible.
La visite de Jean-Noël Barrot visait à promouvoir un dialogue diplomatique et à rencontrer les communautés religieuses présentes sur le mont des Oliviers, en particulier les Carmélites et les Pères blancs. Ces échanges devaient renforcer les liens culturels et religieux entre la France et Israël. Cependant, l’incident a altéré ces efforts, et le ministre a dû annuler sa visite à l’Eléona.
Pour Paris, l’incident diplomatique marque une atteinte inacceptable à la souveraineté française. Le ministère français des Affaires étrangères a annoncé que l’ambassadeur d’Israël à Paris sera convoqué dans les prochains jours afin de clarifier la situation et d’obtenir des garanties sur le respect de l’intégrité des domaines français en Israël.