Quand l’influence s’invite derrière le comptoir
L’idée semblait simple sur le papier : une tournée des pharmacies, baptisée « PharmaTour », pour promouvoir « Snam », la gamme de brumes parfumées de l’influenceuse. Accompagnée d’autres figures de la télé-réalité comme Fidji Ruiz ou Milla Jasmine, Maeva Ghennam a débuté son périple la semaine dernière, notamment au centre commercial Carré Sénart, en Seine-et-Marne.
Mais ce sont les images de cet événement qui ont mis le feu aux poudres. On y voit la jeune femme enfiler une blouse blanche — symbole de l’autorité médicale — et passer derrière le comptoir pour encaisser ses produits. Une mise en scène accompagnée de phrases jugées maladroites, comme « Les filles, on fait les caissières aujourd’hui », qui a été perçue comme une provocation par une partie de la profession.
Une levée de boucliers chez les professionnels de santé
La réaction des pharmaciens a été immédiate et virulente, particulièrement sur les réseaux professionnels comme LinkedIn. Ce n’est pas tant la vente de cosmétiques qui dérange, mais la confusion des rôles et la banalisation de l’espace de santé.
Plusieurs pharmaciens dénoncent une dérive inquiétante :
- L’atteinte à l’image du métier : En portant la blouse, l’influenceuse brouille la frontière entre le professionnel de santé diplômé et la promotrice commerciale.
- La qualité des produits : Certains professionnels, comme le pharmacien Guillaume Kreutter, pointent du doigt des « cosmétiques à la composition opaque », loin des standards de soin habituels en officine.
- La transformation de l’officine : La crainte de voir la pharmacie devenir un simple lieu de « placement de produit » au détriment du conseil médical.
« Ce PharmaTour et ces influenceuses portent atteinte à notre métier. Sachez que mettre une blouse ne fait pas de vous des professionnels de santé. » — Delphine Lemonnier, pharmacienne en Bretagne.
Face à ces dérives supposées, plusieurs signalements ont été effectués auprès du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), qui a confirmé étudier le dossier avec attention.
Clap de fin prématuré et retour à Dubaï

La pression a-t-elle eu raison de la tournée ? Dimanche 14 décembre, Maeva Ghennam a annoncé brusquement la fin de son PharmaTour. Alors qu’elle devait encore visiter une dizaine d’adresses, notamment dans le sud de la France, elle a déclaré devoir rentrer en urgence à Dubaï.
Si elle évoque officiellement une grande fatigue et un événement personnel (« Il m’arrive un truc de fou »), le timing de cette annulation interroge. Cet arrêt soudain intervient alors que la polémique enflait dangereusement sur les réseaux sociaux, menaçant la crédibilité des pharmacies partenaires.
Un passif judiciaire qui pèse lourd
Si la pilule a tant de mal à passer auprès des professionnels, c’est aussi parce que le profil de Maeva Ghennam est loin d’être neutre. La méfiance est alimentée par une condamnation récente et lourde.
En octobre dernier, l’influenceuse a été condamnée à un an de prison avec sursis et 150 000 euros d’amende pour pratiques commerciales trompeuses. La justice lui reprochait d’avoir vanté, entre 2019 et 2023, des produits aux promesses douteuses : crèmes volumatrices pour le corps, thés amincissants ou encore bonbons pour la pousse des cheveux, sans jamais mentionner explicitement qu’il s’agissait de publicités rémunérées.
Ce passif rend d’autant plus sensible son incursion dans le monde très réglementé de la pharmacie, où la confiance du patient est la clé de voûte du système.








