Un poumon de porc greffé avec succès sur un homme en état de mort cérébrale : ce qu’il faut retenir
- Qui : un homme de 39 ans, en état de mort cérébrale, pris en charge à Guangzhou.
- Quoi : greffe d’un poumon de porc six fois édité génétiquement pour limiter le rejet.
- Combien de temps : l’organe est resté viable et fonctionnel 216 heures (9 jours), sans rejet hyperaigu ni infection détectée.
- Pourquoi c’est dur : le poumon est l’organe de greffe le plus exposé au monde extérieur et au système immunitaire.
- Où on en est : c’est une étape de recherche, pas encore un traitement pour des patients vivants.
Comment l’opération s’est déroulée
Les chirurgiens ont réalisé une greffe unilatérale : seul le poumon gauche porcin a été implanté, en laissant l’autre poumon humain en place pour sécuriser la ventilation. Le greffon provenait d’un porc porteur de six modifications génétiques : suppression de trois gènes porcins fortement immunogènes et ajout de trois gènes humains pour favoriser la tolérance.
Le protocole a mobilisé une immunosuppression intensive (anticorps, inhibiteurs de calcineurine, mycophénolate, stéroïdes, etc.). Les chercheurs rapportent une apparition d’œdème au bout de 24 heures et des signes de rejet médié par anticorps aux jours 3 et 6, avec une amélioration partielle vers le jour 9.
Pourquoi le poumon est un casse-tête scientifique
Un poumon greffé échange des gaz avec l’air, filtre du sang, héberge des cellules immunitaires prêtes à répondre. Il est hautement vascularisé et constamment confronté à des particules, bactéries et virus. Résultat : risque de rejet et d’infections plus élevé que pour d’autres organes. Les spécialistes saluent l’essai, tout en rappelant que des essais supplémentaires sont nécessaires.
Que veut dire “avec succès” ?
Ici, “avec succès” ne signifie pas guérison d’un malade vivant. Cela veut dire que des objectifs scientifiques clés ont été remplis : pas de rejet hyperaigu immédiat, fonction du greffon sur plusieurs jours et pas de transmission détectée de pathogènes porcins pendant la période d’observation. Les auteurs et des experts indépendants insistent : prudence, on n’est pas encore au stade clinique pour des receveurs vivants.
« Cette étude marque un jalon en médecine translationnelle » — Beatriz Domínguez-Gil, Organisation nationale des transplantations (Espagne).
Cette réaction résume l’état d’esprit du moment : espoir, mais pas de promesse excessive.
Ce que cette première change (et ce qu’elle ne change pas)
Pour les personnes en attente de greffe
La pénurie de greffons est massive. En France, au 1er janvier 2025, plus de 22 000 personnes étaient inscrites sur la liste d’attente. Des milliers de patients dans le monde attendent un poumon, souvent pendant de longs mois. Une source d’organes compatibles et standardisés pourrait, à terme, sauver des vies. Mais la piste porcine doit d’abord prouver sa sécurité et sa durabilité chez l’humain vivant.
À court terme : de la donnée, pas des greffes de routine
À ce stade, la greffe a servi de preuve de concept. Les équipes ont observé la réponse immunitaire humaine face à un poumon porcin modifié dans des conditions contrôlées. Les doses d’immunosuppresseurs nécessaires seraient trop élevées pour un patient vivant. On reste donc dans la recherche expérimentale.
À moyen terme : quelles pistes d’amélioration ?
Les chercheurs envisagent d’affiner l’édition génétique (supprimer plus d’antigènes porcins, ajouter des gènes humains protecteurs) et d’optimiser l’immunosuppression pour cibler mieux les mécanismes de rejet. D’autres voies existent en parallèle, comme le reconditionnement des poumons humains initialement jugés impropres, afin d’augmenter le pool de greffons. Les deux approches pourraient se compléter.
Zoom méthode : ce que nous apprend cette greffe
Le design de l’essai
Le fait de greffer un seul poumon porcin chez un receveur en mort cérébrale a permis d’isoler l’effet du greffon tout en garantissant l’oxygénation par l’autre poumon. L’équipe a pu suivre au jour le jour l’évolution : transparence du parenchyme, images histologiques, marqueurs de l’inflammation, apparition d’anticorps anti-porc.
Le calendrier immunitaire observé
J+1 : œdème sévère, type lésion primaire du greffon liée à l’ischémie-reperfusion. J+3 à J+6 : rejet médié par anticorps, contrôlé partiellement par ajustement thérapeutique. J+9 : récupération partielle, fin de l’étude à la demande de la famille. Ces dynamiques aident à cibler les futures thérapies.
Questions éthiques : qui décide, qui bénéficie ?
Utiliser des receveurs en mort cérébrale pour des essais de xénotransplantation pose des questions sensibles : consentement des proches, comités d’éthique, proportionnalité des risques. Les chercheurs et les observateurs rappellent la nécessité d’un cadre strict, de protocoles transparents et d’un suivi indépendant.
Et en France, c’est pour quand ?
Nous n’y sommes pas. Avant d’envisager des essais cliniques chez des patients vivants, il faudra démontrer une fonction durable du greffon, un contrôle du rejet acceptable et l’absence d’infections transmises. Le calendrier dépendra des résultats à venir et des autorités sanitaires.