Une société de rénovation créée dans l’ombre
Tout commence en mars 2019, lorsqu’une entrepreneure domiciliée à Envermeu monte une société spécialisée dans le ravalement de façades à Saint-Nicolas-d’Aliermont. Officiellement, seuls deux noms apparaissent : celui de la fondatrice et celui de son conjoint. Mais entre 2019 et 2020, près de 1,3 million d’euros transitent sur les comptes de l’entreprise.
Aucun contrat de travail, aucune fiche de paie, aucun appel à cotisations : plusieurs personnes seraient intervenues sur les chantiers sans la moindre trace administrative. C’est un contrôle de l’Urssaf qui met en lumière ces anomalies. Peu après, l’entreprise est liquidée à l’amiable, en août 2020.
Des mouvements bancaires jugés suspects
L’analyse des relevés révèle des transferts d’argent récurrents vers des bénéficiaires non identifiés. Devant le volume d’opérations, les inspecteurs émettent des doutes : l’activité réelle serait bien plus vaste que ce que les documents officiels laissent entendre. Plusieurs virements suspects, sans lien direct avec des factures, attisent la curiosité des autorités.
Le 10 février 2021, une enquête judiciaire est ouverte. Malgré plusieurs convocations, la principale concernée reste introuvable pendant un temps. Elle finira par être entendue plusieurs mois plus tard.
Silence et absence de preuves
Lorsqu’elle se présente enfin devant les enquêteurs, la prévenue se montre évasive. Elle affirme que son mari gérait seul les travaux et qu’aucun autre salarié n’était impliqué. Mais aucune preuve ne vient appuyer ses dires. Ni factures, ni contrats, ni documents comptables n’ont été fournis.
À l’audience, la trentenaire évoque sa situation personnelle : trois enfants, des problèmes de santé, et une méconnaissance des obligations légales. Elle déclare avoir jeté tous ses papiers à la poubelle. Une défense qui ne convainc ni le ministère public, ni l’Urssaf, ni le tribunal.
Une organisation bien rodée ?
Pour la représentante de l’Urssaf, la situation est claire : il s’agit d’un cas de travail illégal parfaitement structuré. Difficile d’imaginer que les nombreux chantiers aient été réalisés uniquement par un couple. Les réquisitions vont même plus loin : le procureur évoque la possibilité d’un blanchiment d’argent dissimulé derrière une société-écran.
Face à ce faisceau d’indices, le parquet requiert une peine de six mois de prison avec sursis, ainsi qu’une interdiction formelle d’exercer une activité commerciale ou de diriger une entreprise pendant dix ans. L’Urssaf, elle, réclame le remboursement de 996 000 € pour le préjudice subi, auxquels s’ajoutent 2 000 € pour le préjudice moral.
Un verdict lourd de conséquences
Le 27 mai 2025, le tribunal de Dieppe tranche : la prévenue est reconnue coupable de travail dissimulé. Elle écope de six mois de prison avec sursis, assortis d’une interdiction d’exercer toute activité commerciale pendant une décennie.
Le plus marquant reste le volet financier : 996 000 € à verser à l’Urssaf. Un montant colossal qui illustre l’ampleur du préjudice causé à la collectivité. L’affaire rappelle que les règles sociales sont strictes et que tout manquement peut entraîner des sanctions sévères.