Un roman clé de la littérature de l’absurde
Publié en 1942, L’Étranger est l’un des romans les plus célèbres d’Albert Camus. Il met en scène Meursault, un homme indifférent aux normes sociales, qui se retrouve condamné pour un crime dont il n’éprouve ni culpabilité ni remords. Ce roman est une illustration parfaite de la philosophie de l’absurde, que Camus développe dans Le Mythe de Sisyphe.
Albert Camus et la naissance de L’Étranger
Albert Camus naît en 1913 en Algérie, alors colonie française. Orphelin de père dès son plus jeune âge, il grandit dans un milieu modeste et développe une pensée influencée par la misère sociale et l’injustice coloniale. Passionné de littérature et de philosophie, il se rapproche des courants existentialistes, bien qu’il refuse cette étiquette.
L’Étranger est écrit dans un contexte marqué par la Seconde Guerre mondiale et le désarroi existentiel. L’ouvrage s’inscrit dans le cycle de l’absurde, aux côtés de Caligula et du Mythe de Sisyphe, et constitue l’une des pierres angulaires de la réflexion camusienne sur la condition humaine.
Résumé détaillé de L’Étranger
Le roman est divisé en deux parties : la première suit le quotidien détaché de Meursault, tandis que la seconde s’attarde sur son procès et son acceptation de l’absurde.
Première partie : une vie sans attaches
- La mort de la mère : Meursault apprend le décès de sa mère et assiste à son enterrement sans manifester d’émotion. Son attitude surprend son entourage.
- La rencontre avec Marie : Dès le lendemain de l’enterrement, il retrouve une ancienne collègue, Marie, avec qui il entame une relation légère et insouciante.
- L’amitié avec Raymond : Il se lie d’amitié avec Raymond Sintès, un voisin aux fréquentations douteuses, impliqué dans des affaires violentes.
- Le meurtre sur la plage : Lors d’une sortie en bord de mer, Meursault tue un Arabe d’un coup de revolver, puis tire quatre fois de plus sur son corps inerte, sans raison apparente.
Deuxième partie : le procès et la condamnation
- L’arrestation et l’attente : Meursault est arrêté et placé en détention. Il reste indifférent à sa situation et au déroulement des événements.
- Un procès centré sur son indifférence : Plus que son crime, c’est son comportement qui choque. Son absence de deuil lors de l’enterrement de sa mère est utilisée contre lui.
- La condamnation à mort : Jugé dangereux pour l’ordre social, il est condamné à la guillotine.
- L’acceptation de l’absurde : Dans ses derniers instants, Meursault comprend que l’univers est dépourvu de sens et accepte sa fin avec sérénité.
Les grands thèmes de L’Étranger
L’absurde et l’indifférence
Le roman illustre parfaitement la philosophie de l’absurde développée par Camus. Meursault refuse d’attribuer une signification aux événements et reste insensible aux attentes sociales. Son comportement tranche avec les normes établies, ce qui le condamne plus que son crime.
La justice et la morale sociale
Le procès de Meursault met en lumière une justice qui juge plus l’individu que ses actes. Son détachement émotionnel choque plus que le meurtre lui-même. Camus dénonce ainsi la subjectivité des normes morales et la manière dont la société impose un cadre rigide à l’individu.
La mort et l’acceptation du destin
Dès l’incipit (« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »), la mort est omniprésente. Elle apparaît d’abord avec le décès de la mère, puis avec le meurtre de l’Arabe, et enfin avec la propre condamnation de Meursault. Son évolution l’amène à accepter l’inéluctabilité de sa fin, sans chercher de sens ou de rédemption.
Le rôle du soleil et de la nature
Le soleil joue un rôle fondamental dans le roman, notamment lors de la scène du meurtre. Son éclat aveuglant, sa chaleur écrasante et l’oppression qu’il génère sont autant d’éléments qui influencent les actions de Meursault, soulignant son rapport instinctif à son environnement.
Un style d’écriture unique
Camus adopte une écriture sobre et dépouillée, avec des phrases courtes et factuelles. Cette simplicité stylistique reflète l’indifférence et la froideur de Meursault.
L’usage du « je » dans la narration permet une immersion totale dans la conscience du protagoniste, renforçant son étrangeté aux yeux du lecteur.
Pourquoi L’Étranger est-il un roman incontournable ?
Depuis sa publication, L’Étranger a marqué des générations de lecteurs. Son message universel sur l’absurde, la liberté et la justice en fait une œuvre intemporelle. Intégré aux programmes scolaires, il continue de faire débat et d’interroger sur le sens de la vie et la place de l’individu face aux conventions sociales.
L’adaptation cinématographique de Luchino Visconti en 1967 témoigne de son impact durable, et son influence se retrouve dans de nombreuses œuvres contemporaines