Les autorités sanitaires ont connaissance du problème, mais les mesures prises restent insuffisantes. L’étude dévoile un manque de transparence sur les taux réels de CVM dans l’eau potable, ainsi qu’un suivi défaillant des canalisations obsolètes.
Un danger invisible dans les canalisations en PVC
Le CVM est un composé volatil qui se libère progressivement dans l’eau au contact de tuyaux en PVC vieillissants. Le problème est particulièrement préoccupant dans les petites communes rurales, où l’eau circule moins rapidement dans le réseau, augmentant ainsi le temps de contact avec les matériaux contaminés.
Les analyses réalisées dans certaines zones ont révélé des taux dépassant les seuils réglementaires fixés par l’Union européenne (0,5 µg/L) et l’Organisation mondiale de la santé (0,3 µg/L). Par exemple, dans un village de la Sarthe, une habitante de 80 ans a découvert que l’eau de son robinet affichait une concentration de 0,82 µg/L de CVM, bien au-delà des normes autorisées.
Malgré ces dépassements, les habitants de ces zones ne sont pas systématiquement informés du danger par leur fournisseur d’eau ni par l’Agence régionale de santé (ARS).
Un manque de surveillance et de transparence des autorités
L’un des principaux problèmes mis en avant par l’étude est le manque d’accès aux données officielles. L’ARS et le ministère de la Santé affirment que des analyses sont régulièrement effectuées, mais les résultats sont rarement communiqués aux populations concernées.
En Dordogne, par exemple, 986 dépassements de seuils ont été recensés selon les données internes de l’ARS, alors que seules 39 infractions figuraient dans les bases de données publiques. Un écart frappant qui illustre l’opacité autour de cette pollution de l’eau.
Face à ce manque de transparence, des actions en justice ont été lancées. Maître Gabrielle Gien, avocate en droit de l’environnement, a aidé à créer une plateforme destinée aux citoyens souhaitant engager des recours contre les distributeurs d’eau et les autorités sanitaires pour négligence.
Quels sont les risques pour la santé ?
Le chlorure de vinyle monomère est un agent hautement toxique, dont l’inhalation est déjà reconnue comme cancérogène. Bien que les études spécifiques sur son ingestion via l’eau potable soient limitées, des recherches menées sur des animaux ont démontré un lien avec le développement de cancers digestifs et du foie.
L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a conclu en 2011 que le CVM est également cancérigène par ingestion chez l’Homme, même si aucune étude épidémiologique de grande ampleur n’a été menée en France pour évaluer précisément l’impact sur la population exposée.
Le principal cancer associé au CVM est l’angiosarcome du foie, une maladie rare mais foudroyante. Cependant, le faible nombre de cas recensés rend l’évaluation du risque difficile, d’autant que les symptômes sont peu spécifiques et peuvent passer inaperçus.
Pourquoi si peu d’actions pour remplacer les canalisations contaminées ?
Le remplacement des infrastructures vétustes représente un coût colossal pour les collectivités locales. Selon les estimations, entre 50 000 et 340 000 km de conduites seraient concernées par la pollution au CVM.
Le coût d’un kilomètre de canalisation varie de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions d’euros selon la configuration des lieux. De nombreuses communes rurales, qui manquent de moyens financiers et techniques, peinent à mettre en place un plan d’action efficace.
Certaines collectivités se contentent donc de purger régulièrement les canalisations la nuit pour évacuer le CVM accumulé dans l’eau. Une solution temporaire qui ne règle en rien le problème à long terme.
Quelles régions sont les plus concernées ?
D’après l’étude de Gaspard Lemaire, les départements les plus à risque sont :
- Très fortement impactés : Dordogne, Haute-Vienne, Charente, Corrèze, Calvados, Eure, Manche, Orne, Seine-Maritime.
- Risque élevé : Ardèche, Cantal, Puy-de-Dôme, Charente-Maritime, Nièvre, Saône-et-Loire.
- Autres zones touchées : Pays-de-la-Loire (Mayenne, Sarthe, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, Vendée) et Centre-Val-de-Loire.
Dans ces régions, l’eau circule plus lentement dans les canalisations, augmentant ainsi le temps de contact avec le PVC dégradé, ce qui favorise la contamination.
Malgré ces révélations, le ministère de la Santé n’a pas encore pris de mesures concrètes pour accélérer le remplacement des canalisations contaminées. Aucune réaction officielle n’a été faite depuis la publication de l’étude de Gaspard Lemaire en janvier 2025.
Les actions en justice se multiplient, mais les habitants des zones concernées attendent toujours une prise en charge rapide et efficace de cette pollution invisible. Boire de l’eau potable ne devrait pas être un risque pour la santé, et pourtant, en France, des centaines de milliers de personnes continuent à être exposées à un danger silencieux.
Lire aussi : les marques d’eau en bouteille les plus sûres