Architecte d’intérieur vs Décorateur : ne trompez pas de filière
Avant de choisir votre école, il est crucial de comprendre la réalité du terrain. Trop de candidats confondent encore décoration et architecture intérieure. La distinction est pourtant nette et impacte directement vos études.
L’architecte d’intérieur touche à la structure. Il abat des cloisons, repense les réseaux électriques, modifie les volumes, gère l’acoustique et la lumière. Il engage sa responsabilité civile et décennale sur ses chantiers. Le décorateur, lui, n’intervient que sur l’esthétique de surface (mobilier, couleurs, textiles) sans toucher au bâti.
Pour assumer ces responsabilités, l’architecte d’intérieur doit maîtriser une double compétence technique et artistique :
- Maîtrise logicielle indispensable : Vous passerez plus de temps sur AutoCAD, SketchUp, Revit ou 3ds Max que des pinceaux à la main.
- Connaissances techniques : Résistance des matériaux, normes PMR (Personnes à Mobilité Réduite), sécurité incendie et droit de l’immobilier.
- Gestion humaine : Capacité à négocier avec des artisans, à rassurer un client stressé et à piloter un budget serré.
Le Bac+3 : La nouvelle norme avec le DNMADE
La réforme des études d’arts appliqués a bouleversé le paysage. Exit la MANAA et le BTS Design d’espace, place désormais au grade de Licence.
Le DNMADE : La porte d’entrée principale
Le Diplôme National des Métiers d’Art et du Design (DNMADE) est aujourd’hui le cursus de référence post-bac. Il se prépare en trois ans et confère le grade de licence (Bac+3). Pour devenir architecte d’intérieur, vous devez impérativement viser la mention Espace.
L’admission se fait via Parcoursup. Attention, la sélection est rude : les établissements regardent vos notes, mais surtout votre projet motivé et votre sensibilité artistique. Ce cursus est dispensé aussi bien dans les lycées techniques que dans les Écoles Supérieures d’Arts Appliqués (Boulle, Olivier de Serres, etc.).
Le DNA : La voie des Beaux-Arts
Autre option à Bac+3 : le Diplôme National d’Art (DNA), option design. Dispensé dans les écoles supérieures d’art (les « Beaux-Arts »), ce cursus est souvent plus conceptuel et artistique que le DNMADE. Il forme des créateurs capables de développer une écriture personnelle forte. L’accès se fait souvent sur concours propre à chaque école (dossier artistique + entretien).
Le Bac+5 : Le standard pour être crédible
Soyons transparents : si vous pouvez techniquement travailler avec un Bac+3, la majorité des agences et des cabinets recrutent aujourd’hui à Bac+5. C’est le niveau requis pour maîtriser la gestion de projet complexe et prétendre, à terme, au statut de cadre ou d’indépendant reconnu.
Le DSAA : L’excellence du public
Après un DNMADE, les meilleurs étudiants visent un Diplôme Supérieur des Arts Appliqués (DSAA) Design mention Espace. C’est une formation publique, gratuite et extrêmement sélective (souvent une douzaine de places par promotion). Elle forme de véritables chefs de projet.
Le DNSEP : Le grade de Master artistique
Dans la continuité du DNA, le Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique (DNSEP) se prépare en deux ans. Il est délivré par les écoles nationales supérieures d’art et est très apprécié pour son approche créative et intellectuelle.
Les Grandes Écoles (Ensad, Ensaama, Boulle)
Certaines écoles publiques sont des marques à elles seules. L’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (Ensad) à Paris est souvent considérée comme le Graal. Son concours est légendaire, mais la formation y est d’une richesse exceptionnelle. De même, l’école Boulle ou l’Ensaama (Olivier de Serres) jouissent d’une réputation internationale.
Écoles privées : comment faire le tri ?
Face à la sélectivité du public, beaucoup se tournent vers le privé. Le niveau y est souvent excellent, mais attention aux « écoles à diplômes » qui vendent du rêve. Pour ne pas vous tromper, un seul juge de paix : la reconnaissance CFAI.
Le label CFAI : votre assurance vie professionnelle
Le Conseil Français des Architectes d’Intérieur (CFAI) est l’instance qui régule la profession (qui n’est pas protégée comme celle d’architecte DPLG/DE). Le CFAI liste 15 écoles reconnues dont le diplôme certifie que vous avez les compétences techniques requises.
Parmi les incontournables du secteur privé reconnues par le CFAI, on retrouve :
- L’École Camondo (Paris et Toulon) : Une référence historique.
- Penninghen (Paris) : Connue pour son exigence extrême et son réseau puissant.
- L’ESAIL (Lyon) ou l’Académie Charpentier.
- L’École Bleue : Réputée pour son approche globale design/archi.
Ces écoles proposent des cursus en 5 ans. L’admission se fait généralement hors Parcoursup, sur dossier, entretien et parfois épreuves graphiques. Prévoyez un budget conséquent, souvent entre 7 000 € et 10 000 € l’année.
L’alternance : le levier d’insertion
L’architecture d’intérieur est un métier de compagnonnage. On apprend en faisant. De plus en plus d’écoles, notamment en fin de cursus (Mastère), proposent l’alternance. C’est un atout majeur pour :
- Financer vos études (l’entreprise paie l’école).
- Acquérir une expérience concrète du chantier (loin de la théorie).
- Commencer à bâtir votre réseau professionnel avant même d’être diplômé.
Débouchés et réalités salariales
Une fois diplômé, le marché est vaste mais polarisé. Les débuts peuvent être précaires, surtout en freelance.
L’insertion professionnelle est bonne, mais le salaire de départ demande souvent de la patience avant de décoller.
Un architecte d’intérieur junior en agence gagne généralement entre 2 300 € et 2 700 € brut mensuels. Avec de l’expérience, un senior confirmé peut émarger entre 38 000 € et 48 000 € brut par an, voire beaucoup plus en libéral si sa réputation est faite.
Les secteurs qui recrutent ne se limitent pas à l’habitat des particuliers :
- Retail & Commercial : Conception de boutiques, restaurants, hôtels (secteur très porteur).
- Tertiaire : Aménagement de bureaux (Office planning), où le bien-être au travail est devenu central.
- Muséographie & Scénographie : Mise en scène d’expositions ou d’événements.
- Réhabilitation : Rénovation thermique et transformation de l’existant, un enjeu écologique majeur.
Préparez votre dossier dès maintenant
Que vous visiez une grande école publique ou une privée reconnue, la clé d’entrée reste votre personnalité créative. Ne vous contentez pas de vos notes scolaires. Commencez dès aujourd’hui à croquer, dessiner, visiter des expos et vous intéresser à l’histoire de l’art.
Vous voulez mettre toutes les chances de votre côté ? Profitez des Journées Portes Ouvertes (JPO) des écoles citées (souvent entre janvier et mars) pour montrer votre book à des étudiants ou des profs et recueillir leurs critiques constructives avant les sélections officielles.
