Des accusations accablantes sur deux décennies
Le dossier est lourd. Les faits reprochés s’étendent sur une période de 2004 à 2024. Le parquet affirme que P. Diddy aurait utilisé son empire musical pour mettre en place un système d’exploitation sexuelle structuré. Des dizaines de femmes et d’hommes l’accusent d’avoir organisé des soirées sexuelles forcées, surnommées « freak offs », où des victimes étaient droguées, filmées et parfois violées.
Les procureurs disposent de preuves matérielles : vidéos, photos, objets saisis (armes, lubrifiants, drogues), messages électroniques et enregistrements de caméras de surveillance. Ils considèrent que l’artiste gérait une « entreprise criminelle » au fonctionnement comparable à une organisation mafieuse.
Le témoignage de Cassie Ventura attendu
Parmi les 120 plaignants recensés dans les différentes affaires liées à Combs, une figure ressort : Cassie Ventura. L’ex-compagne du rappeur, avec qui elle a entretenu une relation de 13 ans, a déposé plainte pour viol, violences et emprise psychologique. Une vidéo où l’on voit Diddy la frapper dans un couloir d’hôtel en 2016 a déclenché une vague d’indignation mondiale.
Bien que l’affaire ait été réglée par un accord civil, elle a libéré la parole d’autres présumées victimes. Plusieurs d’entre elles devraient témoigner au cours du procès, parfois sous identité protégée.
Une défense stratégique et offensive
Pour sa défense, P. Diddy a constitué une équipe d’avocats renommés : Marc Agnifilo, Alexandra Shapiro et Mark Geragos. Leur stratégie repose sur la présentation des faits comme relevant d’un mode de vie libertin et non d’actes criminels. Ils affirment que toutes les relations étaient consenties et dénoncent une chasse aux sorcières médiatique contre leur client.
Ils devront convaincre le jury que les « freak offs » étaient des « échanges sexuels adultes et volontaires« , sans contrainte ni coercition. Mais les preuves accumulées par les autorités contredisent fortement cette version.
Un procès sous surveillance et déjà historique
Le procès se tiendra sur au moins dix semaines, sous la direction du juge Arun Subramanian, connu pour son exigence et sa neutralité. La procédure de sélection des jurés est particulièrement stricte : un questionnaire de 27 pages a été transmis pour identifier les biais potentiels, notamment sur les questions de sexualité, de genre et de célébrité.
Le tribunal a décidé que l’identité des jurés resterait confidentielle, afin de les protéger de potentielles pressions. Une sécurité renforcée est déployée autour de la salle d’audience, où se presse une foule de journalistes, militants et curieux.
Un impact dévastateur sur l’industrie musicale
Le choc dépasse la personne de Combs. Le procès soulève une question majeure : comment une telle culture de l’impunité a-t-elle pu se maintenir si longtemps dans l’industrie musicale ? D’autres noms circulent dans l’enquête, dont Jay-Z, Naomi Campbell ou encore Jennifer Lopez. S’ils ne sont pas poursuivis, leur implication dans certaines soirées a été mentionnée dans plusieurs dépositions avant retrait de certaines plaintes.
Le spectre d’un effet Weinstein version hip-hop plane sur le secteur, longtemps épargné par les conséquences du mouvement #MeToo. Les grandes maisons de disques, les plateformes de streaming et les sponsors sont forcés de revoir leurs contrats, leurs valeurs, et leurs silences passés.
Un homme au sommet qui chute lourdement
P. Diddy, fondateur du label Bad Boy Records, a bâti un empire estimé à plusieurs centaines de millions de dollars. Il a produit des stars comme Mary J. Blige ou Notorious B.I.G. Il était aussi présent dans la mode, les spiritueux et la philanthropie.
Mais aujourd’hui, il est au centre d’un ouragan judiciaire qui menace à la fois sa liberté, sa fortune et sa réputation. L’affaire est d’une ampleur telle qu’elle pourrait redessiner durablement les rapports de pouvoir dans l’industrie musicale.