Ce qui est reproché à la filière, ce sont d’abord les effets environnementaux liés à l’élevage intensif. Pour produire le comté, on utilise exclusivement le lait des vaches Montbéliardes, élevées dans la région. Ces vaches produisent des déjections riches en azote, qui peuvent polluer les sols et les rivières, notamment en favorisant la prolifération d’algues toxiques et l’eutrophisation.
Pour les militants comme Rigaux, cette pollution serait suffisante pour mettre un terme à la production du comté. Il accuse également les pratiques d’élevage, comme l’insémination artificielle, l’abattage des veaux mâles, ou encore la mise à mort des vaches en fin de carrière, d’être moralement inacceptables.
Une réponse enflammée du monde rural
Face à ces accusations, les réactions ont été vives. Du côté du Jura et du Doubs, les élus locaux, producteurs et citoyens ont défendu bec et ongles ce symbole gastronomique. Pour eux, le comté représente bien plus qu’un simple fromage : c’est un pilier de l’identité locale, une source de fierté culturelle, et surtout un moteur économique pour les zones rurales.
Matthieu Bloch, député du Doubs, dénonce une attaque idéologique : « Interdire le comté, c’est nier notre culture et saboter nos campagnes. » Géraldine Grangier, députée RN, s’insurge elle aussi contre ce qu’elle qualifie de diktat urbain déconnecté des réalités rurales : « Nos Montbéliardes ne sont pas des criminelles. Elles font partie de notre histoire. »
Un patrimoine culinaire en danger ?
Avec plus de 60 000 tonnes produites chaque année, le comté est l’un des fromages les plus consommés en France. C’est aussi une Appellation d’Origine Protégée (AOP), ce qui signifie que son élaboration suit un cahier des charges strict en termes de qualité, de traçabilité et de respect des savoir-faire. Contrairement aux productions intensives pointées du doigt, la filière comté s’appuie majoritairement sur des petites exploitations familiales, souvent engagées dans une agriculture durable.
Pour les défenseurs du fromage, le combat de Pierre Rigaux est simpliste et injuste. Ils estiment que démoniser un produit local au nom de la lutte écologique revient à passer à côté des vrais enjeux : la surconsommation mondiale, les productions industrielles sans éthique, et l’importation de produits transformés bien plus polluants.
Un débat révélateur d’une fracture idéologique
Derrière ce débat, c’est toute une vision de l’écologie qui s’affronte. D’un côté, un courant radical qui prône l’abandon total des produits d’origine animale. De l’autre, une écologie ancrée dans les territoires, qui défend un modèle agricole équilibré entre tradition, modernité et respect de l’environnement.
Certaines organisations comme L214 ou le Parti animaliste soutiennent l’appel au boycott. Leur objectif : abolir l’élevage, qu’ils jugent incompatible avec le respect du vivant. À l’opposé, des élus, des agriculteurs et des citoyens attachés à leurs terroirs voient dans cette stratégie une tentative de déconstruction culturelle, déguisée en cause environnementale.
Quand l’activisme rencontre les traditions
L’appel à interdire le comté a donné naissance à une mobilisation en ligne, avec notamment le hashtag #TouchePasAuComté qui a fleuri sur les réseaux. Internautes, élus et institutions ont partagé des messages de soutien à la filière, rappelant les bienfaits nutritionnels du fromage, son importance dans l’économie locale et la passion de ceux qui le produisent.
Le préfet du Jura a lui-même pris la parole, déclarant : « Le comté, c’est du Jura, du goût, du calcium, des protéines… et zéro culpabilité. » Un message clair pour rétablir la vérité sur un produit souvent caricaturé.
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