Un président à la popularité massive
Élu en 2019, puis réélu en 2024 avec près de 85 % des voix, Nayib Bukele s’est imposé comme une figure incontournable du paysage politique salvadorien. Sa promesse phare ? Nettoyer le pays de la corruption et de la criminalité. Pour une grande partie de la population, il l’a fait. Son image de jeune leader connecté, en jean et casquette, tranche avec celle des anciens politiciens traditionnels. Très actif sur X, il y cumule des millions d’abonnés.
Le jeudi 31 juillet 2025, le Parlement a voté une réforme de grande ampleur : suppression de la limite de mandats, prolongation du mandat présidentiel de 5 à 6 ans et abolition du second tour de scrutin. Le vote, appuyé par 57 députés pro-Bukele contre seulement 3 voix d’opposition, ouvre la voie à une présidence illimitée.
« C’est très simple, peuple salvadorien. Vous seuls pourrez décider jusqu’à quand vous soutiendrez votre président. » – Ana Figueroa, députée pro-Bukele
Un combat féroce contre les maras
Ce qui a forgé la popularité de Bukele, c’est sa guerre implacable contre les gangs. Depuis mars 2022, un état d’urgence permet les arrestations sans mandat. Résultat : plus de 87 000 arrestations, un taux d’homicides passé de 106 pour 100 000 habitants en 2015 à 1,9 en 2024. Le pays, autrefois parmi les plus dangereux au monde, connaît désormais une baisse historique de la violence.
« Je préfère être traité de dictateur que de voir des Salvadoriens se faire tuer dans les rues. » – Nayib Bukele
Mais cette stratégie musclée inquiète. Des ONG comme Human Rights Watch ou Cristosal dénoncent des abus de pouvoir, des milliers d’innocents emprisonnés et plus de 400 décès recensés en détention. L’état d’exception, renouvelé continuellement depuis trois ans, pose question sur l’avenir des libertés fondamentales.
Des dizaines de journalistes, avocats et activistes ont dû fuir le pays face à la pression du régime. La répression contre les voix dissidentes ne cesse de s’intensifier.
« Ils suivent la même voie que le Venezuela. Cela commence par un leader qui utilise sa popularité pour concentrer le pouvoir, et cela se termine par une dictature. » – Juanita Goebertus, Human Rights Watch
Un président au style unique et controversé
Bukele s’est lui-même surnommé le « dictateur cool ». Ce positionnement assumé lui permet de garder la main sur la narration politique. Il combine style décontracté et communication millimétrée. Mais derrière le masque du leader branché, se cache une volonté de centralisation du pouvoir.
Issu d’une famille d’origine palestinienne, il a d’abord été élu maire avec le parti de gauche FMLN avant de créer Nuevas Ideas, son propre mouvement, en 2018. Ce parti domine aujourd’hui toutes les institutions du pays.
Bukele est aussi connu pour ses prises de risques économiques. En 2021, il a fait du Bitcoin une monnaie officielle du Salvador, aux côtés du dollar. Une décision saluée par certains libertaires, mais décriée par le FMI et la Banque mondiale. Le pari est risqué, dans un pays où une grande partie de la population n’a pas accès à Internet.
Sur le plan diplomatique, il affiche une proximité avec Donald Trump. Ils partagent des positions fermes sur l’immigration illégale. Le Salvador a notamment accueilli des Vénézuéliens expulsés par les États-Unis dans la méga-prison de Bukele, le CECOT (Centre de Confinement du Terrorisme).
Un avenir incertain pour la démocratie salvadorienne
Les partisans de Bukele affirment qu’il s’agit simplement de « laisser le peuple choisir librement ». Pourtant, la suppression des garde-fous démocratiques et le contrôle de toutes les institutions par le président font craindre un basculement vers un régime autoritaire.
Les critiques, locales comme internationales, pointent une dérive grave. L’opposition parle de « mort de la démocratie », et la communauté internationale commence à se diviser sur la posture à adopter face au régime salvadorien.
« Aujourd’hui, la démocratie est morte au Salvador. Ils ont tombé leurs masques. » – Marcela Villatoro, députée d’opposition