Un simple geste devenu viral
En 2017, Nusret Gökçe, alias Salt Bae, poste une vidéo où il découpe une entrecôte et fait couler le sel le long de son avant-bras. La séquence devient virale. Des millions de vues, des célébrités comme Leonardo DiCaprio ou Cristiano Ronaldo qui se pressent à sa table, et une communauté d’abonnés qui grimpe jusqu’à 53 millions sur Instagram.
Le boucher turc, parti de rien, s’impose comme une figure pop mondiale. Son empire de restaurants Nusr-Et s’étend rapidement de Dubaï à New York, en passant par Londres et Miami. Le phénomène « foodtainment » est né : les clients ne viennent pas seulement manger, mais assister à un show.
Des prix extravagants et des critiques cuisantes
Le succès repose sur une promesse simple : manger un steak dans un lieu où l’on croise des stars et où le spectacle est assuré. Mais très vite, la facture devient indigestible. À Londres, une addition de plus de 37 000 livres fait scandale. À New York, un burger doré facturé 100 dollars choque autant qu’il amuse.
Les critiques gastronomiques sont sans pitié. Le Gothamist surnomme son Salt Bae Burger le « pire restaurant de New York ». Un milkshake recouvert de paillettes d’or affiché à 99 dollars devient le symbole d’un luxe déconnecté. Le public finit par se lasser : les photos avec les stars ne suffisent plus à justifier des prix astronomiques.
Des scandales qui ternissent l’image
À mesure que son business s’étend, les faux pas s’accumulent. En 2018, il choque en posant devant un portrait de Fidel Castro. La même année, une vidéo le montre accueillant le président vénézuélien Nicolás Maduro dans l’un de ses restaurants, alors que son peuple souffre de famine. Internet s’enflamme.
Puis survient l’épisode de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Après la finale, il force le passage sur la pelouse, agrippe Lionel Messi pour un selfie et touche le trophée, geste réservé aux champions du monde et officiels. Les images choquent, la FIFA réagit et sa réputation s’effondre encore un peu plus.
« Chercheur de publicité », « opportuniste », « intrus » : les réseaux sociaux ne lui pardonnent plus ses apparitions forcées.
Fermetures en série aux États-Unis
Son empire, jadis présenté comme inarrêtable, connaît aujourd’hui un net recul. Sur les sept restaurants ouverts aux États-Unis, seuls deux restent encore actifs en 2025. Boston, Dallas, Beverly Hills ou encore le Meatpacking District à New York ont fermé les uns après les autres.
Derrière ces fermetures se cachent des raisons multiples : une rentabilité fragile, une cuisine jugée banale, des prix excessifs et une image devenue négative. Le public ne vient plus, les critiques s’acharnent et les pertes s’accumulent.
Des plaintes d’employés et un management critiqué
Au-delà des fermetures, l’image interne est tout aussi sombre. Plusieurs anciens employés l’accusent de vol de pourboires, de discriminations et de management toxique. Aux États-Unis, au moins sept plaintes ont été déposées. Certaines se sont soldées par des accords financiers, mais les témoignages continuent d’émerger.
Un ancien employé compare même l’ambiance dans un restaurant de Mykonos à celle d’un « Hunger Games » culinaire, où chacun se battait pour survivre sous la pression d’un patron obsédé par son image.
Une stratégie de repli incertaine
Face à l’effondrement américain, Salt Bae tente un repli stratégique. Il mise désormais sur l’Europe et l’Amérique latine, avec des projets d’ouverture à Rome, Milan, Ibiza et Mexico City. Mais la tendance est claire : ses chiffres d’affaires baissent fortement. À Londres, ses revenus sont passés de 11 à 2 millions de livres en seulement trois ans.
Le modèle basé sur le buzz et l’ostentation semble arriver en fin de cycle. Reste à savoir si le cuisinier star saura se réinventer ou si son nom restera associé à un phénomène de mode éphémère.
Salt Bae, une leçon pour l’économie des réseaux sociaux
L’histoire de Salt Bae illustre la fragilité des carrières bâties sur la viralité. Un geste peut transformer un anonyme en superstar, mais sans véritable fondation solide, la chute peut être rapide. De l’icône adulée au symbole de l’excès, il incarne l’effet boomerang du succès digital.
Pour les jeunes générations, le cas Salt Bae rappelle qu’un business basé sur le buzz doit impérativement s’appuyer sur un produit de qualité. Car lorsque le show s’essouffle, il ne reste plus que la réalité des additions… et des fermetures.