Un rachat attendu et stratégique
Le 12 septembre 2025, CMA Media, la filiale médias du groupe CMA CGM dirigé par Rodolphe Saadé, a finalisé l’acquisition de Brut. L’entreprise était déjà actionnaire du média et avait annoncé des négociations exclusives dès le mois de juillet. Avec ce rachat, le groupe complète une série d’achats spectaculaires qui incluent déjà BFMTV, RMC, RMC Découverte et RMC Story.
CMA Media parle d’un « troisième pilier stratégique » consacré aux réseaux sociaux, venant compléter ses pôles presse et audiovisuel. Pour l’entreprise, Brut permet d’ancrer son influence auprès des jeunes audiences, un public qu’elle avait jusqu’ici du mal à toucher avec ses médias traditionnels.
Pourquoi Brut intéresse autant
Fondé en 2016, Brut a bâti sa réputation grâce à un format simple : des vidéos courtes, claires, pensées pour les réseaux sociaux. Le média traite de sujets variés, de l’actualité internationale aux luttes sociales, en passant par l’écologie et la culture. Sur TikTok, Brut rassemble près de 13 millions d’abonnés, ce qui en fait une véritable référence pour les moins de 35 ans.
Cette proximité avec la génération Z attire les annonceurs et intéresse CMA Media. Depuis la fin 2023, Brut est redevenu rentable, après une réorganisation qui a permis de réduire ses coûts tout en renforçant son modèle basé sur l’engagement et le temps de visionnage.
Changements dans la direction
Brut restera dirigé par Elsa Darquier, directrice générale, mais sous la responsabilité de Claire Léost, nouvelle patronne de CMA Media et désormais présidente de Brut. Ancienne dirigeante de Prisma Media, elle est chargée d’intégrer le média au sein de l’écosystème CMA.
Les cofondateurs Renaud Le Van Kim et Guillaume Lacroix ne disparaissent pas totalement du projet. Ils deviennent conseillers, avec un rôle plus discret qu’à l’origine. L’équipe de Brut, composée de 250 salariés, devrait être maintenue.
« L’intégration de Brut marque la création d’un pôle social, aux côtés de la presse et de l’audiovisuel », a déclaré CMA Media.
Un empire médiatique en construction
Le rachat de Brut n’est pas un cas isolé. Depuis trois ans, Rodolphe Saadé multiplie les acquisitions dans les médias :
- 2022 : rachat de La Provence et de Corse Matin.
- 2022 : entrée au capital du groupe audiovisuel M6.
- 2023 : prise de contrôle du journal La Tribune et lancement de l’édition dominicale.
- 2024 : rachat de BFMTV, RMC et des chaînes RMC Découverte et RMC Story.
- 2025 : acquisition de Brut et négociations pour reprendre la chaîne Chérie 25.
Avec ces opérations, CMA Media revendique désormais la deuxième plus grande rédaction de France, derrière l’audiovisuel public, et la première du secteur privé avec plus de 1 600 journalistes.
Quels enjeux pour les jeunes audiences
Pour les jeunes, cette opération soulève plusieurs questions. Brut, qui s’était positionné comme un média indépendant et engagé, va désormais évoluer dans un groupe contrôlé par l’un des plus puissants milliardaires français. Certains observateurs redoutent une perte d’indépendance éditoriale, quand d’autres y voient une opportunité de renforcer la visibilité de Brut et sa capacité d’innovation.
Le défi sera de préserver l’ADN du média : des contenus accessibles, pensés pour les réseaux sociaux et centrés sur les préoccupations des jeunes, tout en s’intégrant dans une stratégie globale qui mélange presse, radio, télévision et plateformes numériques.
Un paysage médiatique en pleine mutation
Le rachat de Brut par CMA Media illustre une tendance lourde : la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes. Pour la génération qui s’informe principalement via les réseaux sociaux, ces transformations pourraient changer la manière dont l’actualité est produite et diffusée.
Si Brut conserve son ton et ses formats, il pourrait bénéficier de moyens plus importants et d’une diffusion élargie. Mais l’équilibre entre stratégie commerciale et indépendance journalistique reste fragile, et c’est précisément ce que les jeunes audiences suivront de près.
