Ce que réclament les propriétaires
Au centre du dossier, une maison présentée dans le clip de Jul et Heuss l’enfoiré, publié en 2019. Les propriétaires exigent le retrait de la vidéo et sollicitent 106,7 millions d’euros de réparation, un chiffre calculé à partir du nombre de vues lors de la première assignation. Ils dénoncent aussi un préjudice au quotidien : afflux de curieux, photos devant le portail, sentiment d’insécurité.
« Cette maison n’a pas vocation à servir pour des tournages. La famille n’était absolument pas au courant. »
Cette citation, attribuée à l’avocat de la famille, résume leur position : pas d’autorisation, donc atteinte à leurs droits.
Qui est visé par la procédure
La plainte ne cible pas que les artistes. Sont cités :
- Midi Midi Production, la société qui a produit le clip.
- Homelly, la plateforme de location de biens de luxe utilisée pour accéder au lieu.
- Google pour l’hébergement sur YouTube : l’action contre Google France a été jugée irrecevable, la compétence revenant à Google Ireland. Une nouvelle procédure a été engagée en Irlande.
Les autres volets de la procédure, impliquant les entités liées au tournage, se poursuivent.
Pourquoi un montant aussi élevé
La barre symbolique des 100 M€ tient à plusieurs arguments avancés par la partie civile :
- L’exposition massive : plus de 210 millions de vues = une visibilité mondiale et durable du bien.
- L’exploitation commerciale : un décor devenu partie intégrante d’un produit culturel monétisé.
- Le préjudice allégué : troubles subis par la famille, coûts de sécurité, atteinte à la tranquillité.
Rappel utile : un montant réclamé n’est pas une somme due. Le tribunal appréciera la réalité et l’ampleur des dommages, puis tranchera. Les chiffres peuvent évoluer, à la hausse comme à la baisse, ou donner lieu à une transaction.
Ce que dit le droit, en quelques lignes
En France, l’image d’un bien privé n’est pas « verrouillée » par principe, mais son utilisation peut engager la responsabilité en cas d’atteinte aux droits des occupants (vie privée, sécurité, nuisance) ou si des contrats (autorisations, périmètre d’usage) n’ont pas été respectés. Dans la musique et l’audiovisuel, la règle d’or reste : anticiper et tracer les autorisations (repérage, tournage, diffusion), définir l’étendue géographique et temporelle, et préciser les contreparties.
Lorsque la diffusion s’opère via une plateforme, la question de la compétence territoriale et du statut d’hébergeur entre aussi en jeu. C’est ce qui explique le basculement procédural vers Google Ireland.
Où en est la procédure
Un premier jugement a déclaré irrecevable l’action contre Google France. Les propriétaires ont réorienté vers Google Ireland. Les autres actions (production, location) suivent leur cours. L’avocat des plaignants dit rester ouverts à un accord : un protocole pourrait mettre fin au litige contre indemnisation. À ce stade, aucune proposition publique n’a été annoncée par la défense. Une nouvelle audience est annoncée d’ici la fin de l’année.
Pourquoi cette affaire intéresse au-delà des fans
La plainte « La Moulaga » touche à des thèmes qui dépassent un simple clip :
- Culture et contrats : quand l’art rencontre le droit des contrats et la propriété privée.
- Économie de l’attention : un décor peut devenir un actif de la pop culture. Qui contrôle sa diffusion ?
- Vie privée : l’« effet carte postale » d’un lieu peut virer à la nuisance pour celles et ceux qui y vivent.
Ce qu’il faut retenir si vous tournez un clip (ou un projet créa)
Vérifier le cadre dès la location
Contrat écrit, usage précis (tournage audiovisuel), dates, espaces autorisés, nombre de personnes, horaires, assurances. Éviter les zones grises.
Définir l’exploitation
Plateformes, réseaux, diffusion TV, publicité, durée, territoires. Plus c’est clair, moins il y a de litiges.
Protéger les gens et le lieu
Flouter ou éviter les éléments identifiants s’ils n’ont pas vocation à l’être. Prévoir un plan sécurité et un contact en cas de retombées indésirables.
À retenir
- Plainte à 100 M€ autour du clip La Moulaga : retrait demandé, indemnisation réclamée.
- Action contre Google France irrecevable : la balle passe à Google Ireland.
- Homelly et Midi Midi Production dans la boucle, possibilité d’accord financier.
- Le cœur du débat : autorisation des lieux, exposition du bien, préjudice allégué.
La suite
Prochaine audience annoncée d’ici la fin de l’année. En attendant, le clip reste en ligne et la bataille se joue entre calculs de préjudice, responsabilités contractuelles et stratégie d’image. Dossier à suivre.