Quand le végétarisme a bon dos
Sur le papier — ou plutôt sur l’écran — l’histoire est belle. Un loup solitaire, le « mal-aimé » chanté par Claude François, décide de ne plus croquer ses voisins de la forêt pour se faire des amis. Il se met aux légumes et… au poisson. C’est précisément là que le bât blesse pour l’ONG Bloom.
Dans sa plainte déposée auprès du Jury de déontologie publicitaire de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), l’association pointe une incohérence majeure. Le spot entretient une confusion tenace : celle qui laisse croire que l’on peut être végétarien tout en mangeant des animaux marins. Or, techniquement, cela s’appelle du pesco-végétarisme. Pour Bloom, le message implicite est limpide et trompeur : « Si vous êtes végétarien, vous pouvez manger du poisson ».
Derrière le conte, l’ombre de la pêche industrielle
Si l’ONG monte au créneau, ce n’est pas uniquement pour une question de sémantique. Selon elle, cette confusion sert des intérêts commerciaux bien précis. Intermarché n’est pas qu’un simple distributeur : via sa filiale Scapêche, le groupe des Mousquetaires possède la première flotte de pêche française.
Bloom accuse l’enseigne de « greenwashing ». En montrant un loup sympathique pêchant un poisson dans une nature abondante, la publicité banaliserait l’acte de pêche et masquerait une réalité plus sombre. L’association rappelle que la flotte du groupe pratique notamment le chalutage de fond, une méthode régulièrement décriée pour son impact destructeur sur les écosystèmes marins et les fonds océaniques. L’abondance suggérée dans le clip, où un coup de patte suffit pour attraper un poisson, serait en « totale contradiction avec l’état de santé des populations de poissons ».
Des poissons citoyens de seconde zone ?
L’analyse de Bloom va plus loin et touche à notre perception du vivant. La plainte souligne une hiérarchie des espèces mise en scène dans le spot. D’un côté, les animaux terrestres (lapins, écureuils) sont humanisés, attendrissants et dignes d’être épargnés. De l’autre, les poissons restent de simples consommables, présentés comme des animaux « de moindre valeur » ne méritant ni empathie ni protection.
L’association demande donc une procédure d’urgence pour faire retirer les trois plans montrant du poisson dans le clip. Elle estime par ailleurs que la publicité manque de transparence sur son objectif commercial, alors même qu’elle cible visuellement un public jeune et influençable.
Un succès déjà entaché par une accusation de plagiat
Ce n’est pas la première polémique qui éclabousse ce conte de Noël. Avant l’attaque de Bloom, l’auteur jeunesse Thierry Dedieu avait déjà exprimé sa colère. Il accuse la publicité de s’être très largement inspirée de son album « Un Noël pour le loup », publié au Seuil en 2017.
Si l’agence de publicité nie tout plagiat en invoquant des « archétypes universels », les similitudes narratives et visuelles ont troublé de nombreux observateurs. Entre la colère des auteurs et celle des défenseurs de l’environnement, le loup d’Intermarché porte décidément bien son nom de « mal-aimé ».
Si vous êtes sensibles à la cause animale ou simplement curieux de voir comment l’ARPP va trancher, cette affaire est à suivre de près. Elle pourrait faire jurisprudence sur la manière dont la grande distribution peut — ou ne peut pas — utiliser les arguments écologiques dans ses campagnes festives.








