La ville de Paris, connue pour son dynamisme et son attrait international, est confrontée à une problématique de plus en plus préoccupante : près d’un logement sur cinq y est inoccupé. Selon une étude récente de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), publiée en décembre 2023, ce phénomène touche environ 262 000 logements, soit 19 % du parc immobilier parisien. Cette situation, loin d’être anecdotique, a des conséquences profondes sur le marché immobilier, les prix, et même la démographie de la capitale.
Une hausse continue depuis plusieurs décennies
Le problème des logements inoccupés à Paris n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur considérable au fil des années. En 1954, seulement 2 % des logements parisiens étaient vacants. Ce chiffre a grimpé à 14 % en 2011 et a atteint 19 % en 2020. Cette hausse continue est un signe inquiétant des dysfonctionnements du marché immobilier parisien. Les logements concernés ne sont pas tous vides en permanence ; ils comprennent également des résidences secondaires et des logements utilisés de manière occasionnelle.
Le phénomène de vacance résidentielle est particulièrement marqué dans les arrondissements centraux de Paris. Les 6e, 7e, et 8e arrondissements affichent des taux d’inoccupation parmi les plus élevés, avec respectivement 30 %, 34 %, et 36 % de logements inoccupés. Ces zones, parmi les plus aisées de la capitale, sont également celles où les logements sociaux sont les moins présents. Cette réalité dessine une cartographie de l’inoccupation qui reflète en négatif celle du logement social à Paris.
Spéculation, résidences secondaires et locations touristiques
Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation des logements inoccupés. L’un des principaux est la spéculation immobilière. De nombreux propriétaires préfèrent laisser leurs biens vacants dans l’attente d’une plus-value future plutôt que de les mettre en location. Les résidences secondaires sont également en forte hausse, particulièrement à Paris, où elles sont passées de 13 000 en 1954 à 134 000 en 2020. Ce phénomène est encore accentué par l’essor des locations meublées touristiques, telles que celles proposées sur Airbnb, qui détournent des logements de leur usage résidentiel traditionnel.
L’augmentation des logements inoccupés a des répercussions directes sur la vie des Parisiens. La raréfaction des logements disponibles contribue à faire grimper les prix de l’immobilier et à augmenter les loyers, rendant l’accès à la propriété ou à la location de plus en plus difficile pour les classes moyennes et populaires. Cette situation pousse également de nombreux habitants à quitter la ville, ce qui entraîne une baisse de la population dans certains quartiers. En effet, Paris a vu sa population décroître ces dernières années, en grande partie à cause de ces tensions sur le marché immobilier.
L’avenir ne semble pas plus prometteur. Avec l’interdiction progressive de la location des passoires énergétiques, qui concernerait potentiellement 56 700 logements à Paris, et l’augmentation des résidences secondaires favorisée par le télétravail, la part des logements inoccupés pourrait encore croître dans les années à venir. Les projections démographiques estiment que cette part pourrait atteindre 27 % d’ici 2040 si rien n’est fait pour inverser la tendance.
Quels leviers pour les pouvoirs publics ?
Face à cette situation, la mairie de Paris et les pouvoirs publics cherchent des solutions. L’une des pistes envisagées est de durcir la réglementation concernant les locations touristiques et de réformer le cadre fiscal pour encourager les propriétaires à remettre leurs logements sur le marché locatif traditionnel. Des mesures comme l’augmentation de la taxe sur les logements vacants ou la limitation stricte des durées de location via des plateformes comme Airbnb sont régulièrement discutées.
Au-delà des mesures immédiates, il devient crucial de repenser l’usage des logements dans la capitale. Le défi pour les autorités est de trouver un équilibre entre le respect de la propriété privée et l’impératif de garantir un accès au logement pour tous. La mise en place de politiques publiques visant non seulement à protéger les logements, mais aussi à garantir leur utilisation comme résidences principales, semble plus que jamais nécessaire pour contrer cette crise immobilière qui affecte durement Paris.