Thomas Jolly, directeur artistique des Jeux Olympiques de Paris 2024, a récemment fait une déclaration surprenante en qualifiant Jeanne d’Arc de « travestie », une affirmation qui a suscité des réactions diverses. Lors d’un entretien avec Le Monde, Jolly est revenu sur la cérémonie d’ouverture des JO, souvent critiquée pour ses choix artistiques. Il a profité de l’occasion pour défendre ses décisions, tout en affirmant que cette cérémonie se voulait « politique », sans pour autant faire du prosélytisme.
La fluidité des genres dans l’histoire
L’un des arguments principaux avancés par Jolly pour justifier son choix artistique était de rappeler que la société française a toujours été marquée par une certaine fluidité des genres. Il a ainsi évoqué que « les rois français se poudraient et portaient des talons » pour insister sur le fait que les distinctions de genres étaient, à différentes époques, moins rigides qu’aujourd’hui. Il a ensuite cité Jeanne d’Arc comme une figure marquante de cette ambiguïté : « Jeanne d’Arc est une des plus grandes travesties de notre histoire », a-t-il déclaré, ajoutant qu’elle avait été condamnée, en partie, pour avoir porté des habits d’homme.
Dans cette perspective, Jolly explique que « notre culture est faite de cette fluidité des genres », soutenant que ce phénomène historique s’est reflété à travers plusieurs époques, et qu’il n’a rien d’inhabituel. Cette déclaration n’est pas la première du genre, mais elle s’inscrit dans un contexte où les questions de genre, de représentations et de diversité sont au cœur des débats publics, particulièrement dans les milieux artistiques.
Une cérémonie d’ouverture sous le signe de la diversité
La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, orchestrée par Jolly, avait pour ambition de « représenter la diversité des corps, des genres et des identités ». Les tableaux présentés sur la Seine ont mis en scène des artistes, des athlètes et des figures emblématiques, mêlant des femmes et des hommes maquillés, costumés et jouant avec les codes traditionnels de la représentation des genres. « Le théâtre était omniprésent, tout comme la question des genres », a affirmé Jolly, soulignant que ce choix faisait partie intégrante de sa vision artistique.
L’une des séquences les plus discutées de la cérémonie était celle mettant en scène des drag-queens, dans une mise en scène évoquant le tableau célèbre de Léonard de Vinci, La Cène. Cet acte a rapidement fait l’objet de vives critiques, certains y voyant une provocation ou une transgression des symboles religieux. En réponse, Jolly a précisé qu’il s’agissait en réalité d’une représentation inspirée du Festin des Dieux de Jan van Bijlert, insistant sur le caractère païen et festif de la scène, en lien avec l’Olympisme et les dieux de l’Antiquité.
Jeanne d’Arc et la transgression des genres
L’affirmation de Jolly sur Jeanne d’Arc en tant que « travestie » s’inscrit dans un contexte historique précis. Jeanne d’Arc a effectivement été jugée et condamnée pour avoir enfreint les normes de genre de l’époque, notamment en s’habillant en homme pour mener ses batailles. Cette transgression vestimentaire a constitué un motif important lors de son procès. En rappelant cet épisode, Jolly cherche à montrer que les questions liées à l’identité de genre et à la présentation de soi ne sont pas nouvelles, et qu’elles ont traversé les siècles sous différentes formes.
Cependant, l’angle choisi par Jolly pour aborder la question de Jeanne d’Arc a aussi suscité des critiques. Certains voient dans cette lecture une simplification de la figure historique de Jeanne, utilisée pour soutenir un discours moderne sur les questions de genre. Pour ses détracteurs, cette interprétation omet le contexte religieux et politique de l’époque, ainsi que le caractère exceptionnel et spirituel de la mission de Jeanne.
Une cérémonie sous le signe de l’engagement politique
Au-delà de la représentation de Jeanne d’Arc, Jolly a assumé le fait que la cérémonie d’ouverture était « politique ». À travers les différents tableaux présentés, il a voulu faire passer un message sur « qui nous sommes », en mettant en avant la diversité des identités, des corps et des genres. Cette démarche, bien que jugée provocante par certains, s’inscrit dans une volonté de réflexion collective sur les valeurs modernes de la société, notamment la tolérance et l’inclusion.
Jolly précise que son intention n’était pas de faire du prosélytisme, mais plutôt de refléter la richesse et la pluralité de la culture française et internationale. Cette approche a toutefois rencontré des résistances, certains reprochant à l’événement une forme de politisation excessive d’un événement sportif.
Les réactions à la mise en scène
Les réactions à la cérémonie et aux propos de Thomas Jolly ont été diverses. Si certains ont salué l’audace artistique et la réflexion autour des genres, d’autres ont critiqué une forme de provocation jugée inappropriée pour une cérémonie olympique. Les scènes avec les drag-queens et la représentation de Philippe Katerine en Dionysos, à moitié nu et peint en bleu, ont particulièrement fait débat. Pour les critiques les plus virulentes, ces séquences s’écartaient trop de l’esprit olympique traditionnel.
Cependant, Jolly défend fermement ses choix, expliquant que l’esprit de fête, d’inclusion et de diversité sont des valeurs qui sont au cœur de l’Olympisme, tout comme le dépassement des frontières sociales et culturelles. Il a également rappelé que la mise en scène sur la Seine relevait d’un véritable défi technique, logistique et créatif, avec 20 000 personnes impliquées dans le spectacle.
Thomas Jolly a conclu en réaffirmant que cette cérémonie était « une célébration de la diversité et de l’identité ». Pour lui, l’art, sous toutes ses formes, a toujours joué un rôle dans la réflexion sur les genres et les identités. Son ambition à travers cet événement mondial était de mettre en lumière la richesse de l’histoire française et mondiale en matière de fluidité des genres, tout en offrant un spectacle unique et audacieux.
En évoquant Jeanne d’Arc et d’autres figures historiques, Jolly a tenté de rendre hommage à la complexité de l’histoire humaine et de montrer que les questions contemporaines sur l’identité de genre ne sont pas nouvelles, mais bien ancrées dans un long processus de réflexion sociale et culturelle.