Paul Morrissey, réalisateur et figure emblématique de la scène underground new-yorkaise, est décédé à l’âge de 86 ans des suites d’une pneumonie. Hospitalisé dans les jours précédant sa mort, Morrissey laisse derrière lui un héritage cinématographique distinctif qui a marqué les années 1960 et 1970. Collaborateur d’Andy Warhol, il est surtout connu pour avoir capturé l’essence brute et non conventionnelle de la contre-culture américaine.
De Fordham à la Factory
Diplômé en littérature anglaise de l’université Fordham, Morrissey se lance dans le cinéma en autodidacte. Radical et anticonformiste, il se fait connaître dès le début des années 1960 avec des courts métrages provocateurs. Sa rencontre décisive avec Andy Warhol en 1965 l’entraîne dans l’univers de la Factory, haut lieu de création artistique où musique, art et cinéma s’entremêlaient.
Warhol, fasciné par les talents de Morrissey, le propulse sur le devant de la scène en produisant ses premières œuvres phares. Cependant, Morrissey, réticent à l’expérimentation gratuite, se concentre sur des sujets controversés et des personnages marginaux, donnant à ses films une dimension unique.
La trilogie culte : Flesh, Trash et Heat
L’œuvre de Morrissey est profondément marquée par la trilogie Flesh (1968), Trash (1970) et Heat (1972), où il dirige l’acteur Joe Dallessandro, icône de la culture gay et symbole de la jeunesse rebelle. Flesh suit un jeune prostitué, interprété par Dallessandro, dans une représentation réaliste et crue des bas-fonds new-yorkais. Le film crée immédiatement la polémique par ses scènes explicites, mais devient un emblème de l’underground.
Les deux autres volets, Trash et Heat, poursuivent cette immersion dans les vies de ceux qui vivent en marge, explorant des thèmes tels que la toxicomanie et les illusions perdues. À travers ces œuvres, Morrissey s’affirme comme un cinéaste audacieux, n’ayant pas peur de montrer l’envers du rêve américain.
Du sang pour Dracula et Chair pour Frankenstein
Dans les années 1970, Morrissey élargit son champ créatif en explorant le cinéma de genre avec Chair pour Frankenstein et Du sang pour Dracula, réalisés en collaboration avec Warhol. Ces films, bien que centrés sur des figures classiques du cinéma d’horreur, portent la marque de Morrissey avec des approches novatrices et ironiques. Bien qu’ils s’éloignent des représentations de l’underground new-yorkais, ils conservent une critique sous-jacente de la société et de la morale traditionnelle.
Morrissey et The Velvet Underground
Outre le cinéma, Paul Morrissey a aussi contribué à façonner l’univers musical en collaborant avec The Velvet Underground, le groupe mythique de Lou Reed. Il participe au projet de leur premier album, The Velvet Underground & Nico, en filmant des performances expérimentales. Ce lien avec le groupe de Lou Reed et la chanteuse allemande Nico, également muse de Warhol, solidifie son rôle au sein de la contre-culture des années 1960.
Un hommage à l’Andy Warhol Museum
Suite à l’annonce de son décès, le musée Andy Warhol de Pittsburgh a exprimé sa profonde tristesse. Ce lieu, dédié à l’œuvre et à l’héritage du maître du pop art, souligne l’influence indéniable de Morrissey sur la culture et l’art contemporains. Morrissey et Warhol, bien que différents dans leur approche, ont contribué ensemble à transformer la perception de l’art et du cinéma dans la société américaine.
Jusque dans les années 2000, Morrissey continue de produire des films, bien que plus discrets que ses premières œuvres. News from Nowhere (2010), dernier film de sa filmographie, témoigne de son attachement à la critique sociale et de sa vision personnelle du monde. Connu pour ses déclarations franches, Morrissey n’a jamais hésité à critiquer les tendances artistiques qui lui paraissaient superficielles.
Paul Morrissey restera une figure incontournable du cinéma indépendant et de la culture underground. Ses œuvres ont influencé des générations de cinéastes et continuent d’inspirer ceux qui aspirent à rompre avec les conventions. Morrissey a capturé une époque et un esprit d’indépendance qui résonne encore aujourd’hui, rappelant l’importance d’une vision artistique sincère et audacieuse.
La mort de Paul Morrissey marque la fin d’une époque, mais son héritage persistera à travers ses films qui, plus de cinquante ans après leur sortie, continuent de susciter réflexion et fascination.