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19 personnes jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs

L’ouverture du procès de 19 personnes, jugées pour avoir accueilli sans agrément des mineurs, marque une étape décisive dans une affaire qui a secoué les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord. Entre 2010 et 2017, des dizaines d’enfants ont été confiés à une structure non agréée, où ils ont subi des violences physiques, psychologiques et des humiliations. Ce procès, qui se déroule à Châteauroux, met en lumière l’ampleur de ce scandale et les dérives d’un système censé protéger les plus vulnérables.

Une affaire couverte par le silence

Jean-René Lecerf, ancien président du département du Nord, a qualifié cette affaire “d’omerta totale”. Bien qu’il ait pris la tête du département en 2015, il affirme n’avoir été informé qu’en 2018, soit bien après les faits. Selon lui, aucun de ses prédécesseurs n’avait connaissance des agissements au sein de l’ASE. Ce silence prolongé a permis à la structure “Enfance et Bien-Être”, située dans l’Indre, de continuer ses activités illégales pendant plusieurs années.

Les mineurs confiés à cette structure ont été victimes de maltraitances diverses. Des violences physiques, des travaux forcés et des humiliations régulières ont été rapportés par les jeunes victimes. Certains ont été soumis à des conditions de vie déplorables, notamment en étant placés dans des caravannes sans eau. La surmédication, orchestrée par les responsables de la structure, est également un élément troublant de cette affaire.

Des signalements ignorés pendant des années

Malgré plusieurs signaux d’alerte, le système de protection de l’enfance n’a pas réagi à temps. Le témoignage de Mathias, en 2017, a été l’élément déclencheur de cette enquête. Hospitalisé pour de graves blessures, l’adolescent a décrit les sévices qu’il subissait au quotidien. Ce signalement a permis de dévoiler un réseau de maltraitance, où l’argent passait avant la sécurité des enfants. Les familles d’accueil recevaient des indemnités pour ces placements, sans que la légitimité de la structure ne soit vérifiée par les autorités compétentes.

Le silence des responsables de l’ASE est aujourd’hui vivement critiqué. Les parties civiles dénoncent un “temps assassin de la justice”, soulignant que ces enfants ont vécu l’enfer pendant sept longues années. Selon Me Myriam Guedj Benayoun, “personne n’a rien dit pendant sept ans”, une situation qualifiée de “procès de la honte”. Pour les victimes, ce procès est l’occasion d’obtenir enfin la reconnaissance de leurs souffrances.

Un système sous pression

Cette affaire met également en lumière les difficultés auxquelles fait face l’ASE, particulièrement dans le Nord, une région où les enfants à protéger sont nombreux. Jean-René Lecerf a évoqué les défis que posent ces mineurs difficiles à placer, ce qui a conduit certains travailleurs sociaux à se tourner vers des structures non agréées, faute de mieux. Cette tentation de trouver des solutions “alternatives” a mené à des erreurs impardonnables, où les enfants ont été exposés à des risques encore plus grands que ceux auxquels ils faisaient face initialement.

Le département du Nord, bien qu’ayant versé plus de 600 000 euros aux familles d’accueil sans agrément, ne se portera pas partie civile dans cette affaire. “Le département a fauté”, a concédé Jean-René Lecerf, refusant ainsi d’engager des poursuites contre ses propres services. Cette décision, bien qu’inhabituelle, reflète la complexité de la situation.

Les prévenus face à la justice

Parmi les 19 personnes jugées, deux responsables de la structure “Enfance et Bien-Être” ont reconnu une partie des faits. Ils risquent jusqu’à dix ans de réclusion pour des chefs d’accusation incluant violences, travail dissimulé, administration de substances nuisibles, et usage de faux. Leurs actions ont eu des répercussions terribles sur les mineurs placés sous leur responsabilité, certains portant encore aujourd’hui les stigmates des violences subies.

Le tribunal correctionnel de Châteauroux accueille ce procès, qui se tiendra jusqu’au 18 octobre. Pour les victimes et leurs familles, ces journées d’audience sont cruciales pour faire entendre leurs voix et obtenir justice après des années de souffrance.

Ce procès met en lumière la nécessité de réformer en profondeur le système de protection de l’enfance, afin que de tels drames ne se reproduisent plus. La vigilance des autorités, l’implication des services de l’ASE et la transparence doivent être des priorités pour garantir la sécurité et le bien-être des enfants placés sous leur protection.